Forum de discussion, mais aussi de créations diverses et variées, venez nombreux. |
| | Igaesia ou le monde des rêves | |
| | Auteur | Message |
---|
Sylphea Guide des voyageurs
Messages : 158 Date d'inscription : 12/09/2012 Age : 36 Localisation : Ouest de la France
| Sujet: Igaesia ou le monde des rêves Jeu 20 Sep - 22:24 | |
| Alors c'est un roman que j'ai commencé il y a... 2 ou 3 ans, ce serait juste pour avoir des avis histoire de m'aider à mieux le construire ou éventuellement pour me motiver à le poursuivre. Je l'ai réalisé en dédicace à une amie qui aimait le monde des rêves. Voici le premier chapitre, n'hésitez pas je suis ouverte à toute remarque. Igaesia Et si tout était songe… Où serait la réalité ? Que deviendraient les projets ? Pourraient-ils apprendre la nage ? Chapitre 1 L’éveil.- Spoiler:
Hé oui, comme d’habitude… Arthur était encore en retard, ce qui signifiait tout bonnement que cet homme qui attendait était venu pour rien… Rien ne le mettait plus en rogne ! Ils devaient se rencontrer pour leur présentation orale de lundi prochain, c’était à dire dans cinq jours. Leur sujet dépassait toutes leurs espérances conjuguées « L’évolution économique des années trente ». Après toute avec une licence d’histoire, il fallait s’attendre à ce qu’un jour ou l’autre ils aient à composer un oral sur un fait de société. Cinq minutes… six toutes les minutes étaient comptabilisées pour arriver au chiffre de 15… Toujours personne… Il bougea son pied en le faisant faire des petits tours pour se distraire. Son jean remontait légèrement pour se mouiller davantage sur le sol déjà bien détrempé. La pluie s’était suspendue, comme si même ce spectacle se suspendait durant l’agacement de Favel. La pluie avait quelque chose de symbolique, tant que le ciel se vidait les gens étaient heureux comme si ces larmes furent les leurs et les purgeaient d’une certaine manière. L’émotion pure se résumait dans ces larmes d’espérance, dans ces émissaires brumeux. Pour le moment le brouillard envahissait l’esprit de Favel, il faisait grincer ses dents. « Que fait-il ? Je me les gèle moi ! Hors de question que je rentre seul… » Ses pensées atteignaient son regard qui se fit plus fin pour distinguer Arthur. Deux brins d’herbe couchés s’alignaient, entourant une corniche que formait son nez.
Dans un soupir plus qu’éloquent, il déplia son portable pour contacter son camarade lorsque venait à lui une jeune fille complètement défigurée par la pluie qui s’agitait dehors. « Au moins, je suis à l’abri » songeait-il en silence. Les sonneries s’enchaînèrent jusqu’à un répondeur : « Ici Dieu, je suis overbooked à surfer sur la life, lâche ton message après le bip sonore ». Arthur, un incorrigible farceur, il avait encore changé sa boîte et même si l’annonce ne ravit pas son interlocuteur, celui-ci sourit. Parfois même si la joie n’était pas au beau fixe il souriait, une petite blague valait bien cela. Cependant cela ne l’empêcha pas de se mettre en colère, tandis qu’il raccrochait brutalement. « Quel lâcheur, je le savais peu motivé, mais alors là c’est le jackpot ! ». Il se tourna vers la bibliothèque. « De toute façon, qu’est ce que j’ai à perdre… ». Non, il n’avait rien à perdre, puisque ce jour allait marquer un nouveau départ, qui allait bouleverser sa vie à jamais.
La vie de Favel n’était pas très difficile à évoquer : ses grands-parents l’avaient élevé jusqu’à leur décès. Ils avaient quitté Gaïa dans les limbes du sommeil, personne n’avait d’ailleurs compris l’agitation qui marquait leurs figures. Non seulement leurs rides s’étaient dissipées presque jusqu’à en devenir méconnaissables, mais en plus, leurs cœurs n’avaient jamais cessé de battre. Cliniquement, ils étaient morts et pourtant, il semblait bien que quelque chose les animait, les faisait vivre de l’intérieur. Cette nouvelle, loin d’être exceptionnelle, était commune. De nombreuses personnes avaient souffert de « cette maladie », elles étaient gardées dans une salle particulière, présente dans chaque hôpital. Dans cette pièce de longues allées de cercueils en verre oxygénés maquillaient le trajet des soignants, épuisés par cette nouvelle épidémie. Des chercheurs avaient proposé à Favel de rejoindre ses parents. Etant majeur, il avait le choix. Il refusa néanmoins, il préféra à un climat inconnu la douceur du chagrin. Si certains réprouvent une situation de substitution, Favel aurait été l’un d’eux. Il vendit la maison avec tous les biens pour s’installer dans une résidence où on lui avait assuré un logement. Ses deux valises en main, il fit le tour des chambres vidées de tous leurs meubles, puis fit un tour sur lui-même. Ses cheveux roux brillèrent sous le soleil qui riait dehors et alors qu’il fermait la porte, il avait bien senti, qu’il ne serait plus le même.
Tous ceux qui voulaient l’aider dans sa famille se retrouvaient à la porte, ils ne voulaient plus avoir affaire à ceux qui avaient bercé ses jours. Tout cela appartenait à un passé qui s’était endormi et dont même jusqu’au nom était proscrit. L’interdit l’avait porté jusqu’en fin de licence d’histoire. Si son passé ne l’intéressait plus, en revanche celui de l’humanité le captivait. « Nous prenons dans nos bagages ce qui nous séduit, le reste attend sur le quai » Cette phrase, comme leitmotiv le déprimait comme l’encourageait. « A la fin de ma vie, se disait-il, moi aussi je serai sur ce quai, sauf que plus personne ne viendra me chercher ». Même s’il se savait coupable, il se meurtrissait de ce constat ; les nuits devenaient sombres, étendu sur le lit.
Depuis le début de la semaine, Favel assistait à tous les cours, ce qui était une première. Il ne pouvait pas voir un professeur, qui ne cessait de la rabrouer, rien de tel pour le démotiver. Et alors qu’il avait subi ce joug avec le soutien d’Uthiel, Arthur ne venait pas… Les deux portes de cristal s’ouvrirent à au passage de Favel, alors que des petites cascades taillaient dans son uniforme leur propre loi. « La pluie, parfois quand même j’aimerais qu’elle cesse… »
L’ordre de la faculté était précis, chaque bâtiment était entièrement dédié à une filière de la cave au grenier. Seule la bibliothèque de la faculté ne comportait qu’une grande salle départagée en plusieurs secteurs : la section histoire étant comme d’habitude au fond du couloir, il se mit à grommeler. « pff… il va vraiment me le payer… ». Il trouva une table à deux sièges et déposa bruyamment son sac en oubliant tous ceux qui lui disaient de faire moins de bruit. Comme il venait à peine d’arriver, il jugeait qu’il pouvait faire un bruit en plus de ce silence macabre. Même si archiviste avait toujours été ce qui l’attirait, il y avait une pièce qui ne coïncidait pas au puzzle. Même s’il se défendait plutôt bien, il ne supportait pas le silence. Quand cet anneau de mutisme serrait une pièce, il se sentait plus que mal à l’aise. Pour épargner à tous les travailleurs ses éclats de mauvaise humeur, il mit ses écouteurs et écouta la seule musique qui charmait vraiment ses oreilles. Il se concentra sur tous les instruments que composait la symphonie. « Basse, violon, piano… hum peut-être xylophone, n’importe quoi… c’est un instrument vabarois », pensa t-il.
Lentement il sortit son cours en pestant un peu. Lui, il aurait aimé tomber sur l’Antiquité… Mais non, il avait laissé le sujet à une certaine Opaline, elle devait se régaler elle au moins… alors que lui avait préféré, pour trouver un compromis, prendre ce sujet qui, vu les circonstances l’intéressait de moins en moins. Comme Arthur et lui ne partageaient pas les mêmes centres d’intérêt, il avait fallu trouver ce qui ferait le moins de dégât…. au final : un sujet économique sur les bras. Bien sûr, il voyait l’intérêt d’étudier l’économie dans l’histoire, mais ce qui le bottait lui c’était comment les sociétés s’étaient organisées pour arriver à ce qu’elles étaient à présent. Organiser une société, pour lui, était comme construire un arbre sans elle l’humanité se fissurerait ; l’homme créait ces sociétés, miroir de sa capacité à imaginer un avenir. C’était la pensée positive de Favel, l’autre se définissait par quelques mots rapprochés : « la société ne corrompt pas l’homme, mais lui donne les moyens d’entreprendre des choses terrifiantes ». De nature soupçonneuse, il avait toujours plus ou moins deviné que leur dirigeante n’était passée au scrutin qu’avec l’aide frauduleuse des sénateurs. Sa première loi lui parut des plus saugrenues et il avait hâte de changer de président… « Par président, le mot lèche-botte serait plus approprié ». Favel la soupçonnait d’être à la solde des sénateurs. Il l’imaginait épousant chacune de leurs décisions comme s’ils étaient tous frères et sœurs siamois. « Collés les uns aux autres dans un panier de crabes dans lequel ils entraînaient non seulement la ville de Juraska, mais également tout Gaïa ! » Le monde de Favel n’avait aucune frontière, d’aucune sorte, néanmoins il existait des mini- conseils établis par grande agglomération, ces conseils s’établissaient autours des mouras. Les mouras, secrétaire des sénateurs devaient prendre en note chaque réclamation, la référer entre eux puis en faire part aux sénateurs. Les sénateurs, eux proches de la dirigeante faisaient office, normalement de conseillers et pouvaient s’opposer à la présidente. Ce qui était étrange, c’était qu’aucune discussion ne germait entre sénateurs et la présidente Sitaméria ; un robot n’aurait pas pu tenir un meilleur rôle que le sien. Les sénateurs proposaient, elle acquiesçait. C’était du rapide, et cela donnait lieu à de vives réformes et à des réactions des plus violentes.
Il finit par trouver ses livres parsemés ça et là. Parfois les étudiants avaient tendance à les mettre quelque peu en vrac. Tout cela les rendait bien sûr très accessibles à la consultation. L’usage d’une trottinette électronique n’était peut-être pas si idiot, se dit-il en voyant un homme circuler avec son engin en posant dans son panier des ouvrages. « Crâneur… » pensa t-il. En vérité, il l’enviait un peu, mais il était plus facile de faire semblant. Au bout de deux livres, il se dit que vu les heures qui le séparaient de la leçon de simulation, il n’aurait pas le temps de travailler davantage de livres. Il s’installa à sa table, puis débuta la lecture rapide avec prise de notes, s’il vous plaît. Il avait toujours eu une facilité pour mémoriser, il ne lui fallut pas plus que son quota d’heures pour venir à bout de ces livres. Alors qu’il allait les remettre, il vit de loin Arthur. Sur le coup, chamboulé, il courut à sa rencontre. L’homme observait ceux qui discutaient dans la cour, ses grandes oreilles s’affolaient à la venue d’un nouveau son.
- Hey salut Favel, tiens quel hasard ! - Tu te paies ma tête, ça fait trois heures que je travaille ici sans interruption ! Tu as intérêt à avoir une bonne raison ! - On devait se rejoindre ? - Oui… tu as oublié ?, se calma Favel. - Tu ne m’en as jamais parlé… Comment voulais-tu que je devine ? - Comment ça ???, s’exclama Favel. Son apostrophe tout de suite reprise par l’assemblée de bosseurs. - Allez, viens on sera plus à l’aise pour parler dehors, - Bien sûr… mais regarde ! Ton livre flambe ! murmura Arthur. - Ah mince, mais comment ? Où ? Ah et puis zut journée de m…
Il tapa sur le livre pour en étouffer la flamme, qui rougissait sur la couverture. Finissant même par sauter sur le livre mis à plat au sol, il le reprit en main, puis à réfléchir il le balança par la fenêtre.
- Mais qu’est ce qui te prend de te promener avec un briquet ? - Oui, c’est sûr… Aucun briquet dans sa poche, rien qui n’aurait pu déclencher ne serait-ce qu’une étincelle. Il apposa sa main à l’accueil, l’hôtesse lui demanda s’il avait effectivement saisi deux livres et s’il comptait les emprunter. Comme d’habitude, les machines étaient opérationnelles, elle lui demanda les titres par simple politesse, mais Favel savait qu’elle était au courant des deux titres qu’il avait eus entre les mains. A la sortie, il récupéra son ouvrage mouillé par l’eau de pluie. Après s’être disputé comme il se doit avec Arthur, il se rendit compte que peut-être, il n’avait pas été suffisamment clair. Il lui passa ses notes en lui précisant qu’il comptait racheter, après la simulation, un ouvrage similaire pour éviter l’amende. Son petit incendie passa à la trappe, il était d’ailleurs ravi qu’Arthur ne trouvât pas cela étrange. Vu la remontrance qu’il lui avait fait subir, il devait être encore sous le choc. Car même s’il avait eu un briquet pour enflammer ce volume, il aurait fallu à plusieurs reprises le mettre au contact de la flamme. Enfin bref, il n’allait pas relever à la place d’Arthur ce détail qui avait échappé à sa vigilance.
- Tu savais qu’un décret a été promulgué ce matin ? - J’en ai vaguement entendu parler, mais annonce quand même la couleur, suggéra Favel. - Sitaméria a de nouveau sévi pour les sous-hommes, elle leur interdit de vivre en dehors d’une zone délimitée. - C’est de la ségrégation ! D’ailleurs, tu sais bien que je n’aime pas trop ce mot… - Lequel ?, demanda Arthur. - Sous-humain…qui est vraiment humain alors ? - Oh non, te voilà reparti pour tes constats ! Oui, c’est vrai, mais comment veux-tu les désigner alors… On ne sait même pas ce qu’ils sont vraiment… - On sait que ce sont des êtres provenant des rêves, pour ma part je trouve cela plaisant. Tu t’imagines un peu ! Avoir un double dans les songes qui te confère des pouvoirs ! Dément ! - Oui, ben moi je me dis qu’ils pourraient tenter une offensive sur nous. D’ailleurs, cela s’est déjà produit ! Certains sont agressifs, on ne sait pas si l’armée même pourrait les contenir ! dit Arthur interloqué. - L’armée rôde un peu trop dans toutes les affaires, je trouve… murmura Favel. - Ils assurent notre sécurité… - En nous tirant dessus… - Arrête de déformer la réalité, tu es pénible avec ça ! - Tu as bien vu des balles dans le journal télévisé ! Pour une fois que même eux montrent un peu de vérité dans ce gouvernement, il faut en profiter ! - Tu oublies que ceux qui ont filmé étaient de ces « terroristes »… - Parce que tu crois que cela ferait une super image pour eux s’ils se montrent si faibles ? - Moi, si j’étais un des leurs, je montrerais comment je souffre pour que mon mouvement puisse se réaliser au grand jour !
Leurs avis s’affrontaient toujours de cette manière sans que jamais rien n’en sorte, c’était la raison qui poussait Favel à peu exposer tous ces arguments, mais il y aurait eu tant à dire… La séance de simulation se passait dans l’habituelle salle circulaire, où des petites machines dites « des bulles » vous faisaient revivre l’histoire. Les bulles avaient été élaborées à partir des études menées sur le rêve. Elle poussait l’individu à se plonger dans le corps d’un personnage dont le professeur délimitait le rôle et la fonction. Comme une sorte d’examen hebdomadaire, les bulles avaient été un investissement dans toutes les matières. Le professeur n’avait qu’à se poster à un écran de contrôle pour voir la progression de ses élèves. Certains critiques considéraient ces machines comme des appareils passifs sans aucun but pédagogique et qui plus est elles pouvaient entraîner des traumatismes. Qu’importe toutes les émeutes qu’avaient suscitées leurs installations dans l’éducation, elles étaient devenues courantes.
- Bonjour chers étudiants, nous allons nous pencher sur la Renaissance, choisissez votre machine et sachez que chaque expérience sera unique. Dans chaque bulle, j’ai inséré un lecteur de données particulier… Ce fut à ce moment que Uthiel fit son entrée, le col de travers, visiblement en retard. Lorsqu’il vit tous les regards posés sur lui, il n’en prit pas garde et chercha Favel dans la foule. - Où en étais-je, merci monsieur Uthiel, votre intervention aura eu le mérite d’écourter mon discours, finit par dire le professeur. Que la partie commence !
Uthiel fit un clin d’œil complice à Favel et prit sans hésiter une bulle jaune à quelque pas de là. Pour une fois, il voulut laisser le choix aux autres, de toute manière tout était aléatoire. Le professeur, intrigué par ce maintien, vint lui parler et par conséquent voulut le pousser à choisir. « Mais lorsqu’il n’y a pas de choix véritable, est-il bon de croire qu’il existe une initiative ? ». L’homme roula les lunettes sur ses yeux et observa ce jeune homme bien étrange. Avec ses vêtements, on ne l’aurait pas remarqué dans la masse, mais par sa critique, il apportait au groupe une brise nouvelle. Une fois toutes les bulles prises, Favel s’installa dans une noire, une qui avait été négligée par tous. Des fils pendaient de tous côtés et devant lui le fameux casque de Résate sur lequel tous ces embranchements se connectaient.
Il prit soin que chaque circuit trouva dans ce bazar une place quelconque pour pouvoir s’exprimer, que nul conducteur ne soit lésé. La dernière fois, il s’était réveillé à l’infirmerie après quatre jours de coma. Un câble bleu s’était trouvé branché à la place du jaune, du coup il avait provoqué un court-circuit lui avait expliqué le professeur. Comme cette technologie leur faisait parcourir un espace peu exploité par l’homme, on leur avait bien sûr distribué une notice d’instruction pour éviter l’éventualité de perdre un étudiant dans ce monde de rêve. Notice bien sûr, que Favel n’avait pas bien épurée. A quoi bon retenir une série de manipulations se disait-il qui de toute manière seraient coutumières par la suite.
Tout se passa bien cette fois, il fut transporté au milieu d’un champ une faux à la main. Il était paysan à la Renaissance. « Fascinant, quelle belle expérience », songeait-il, « alors que d’autres étudient la politique, la société en profondeur, moi j’étudie le blé, la terre en profondeur ». Favel se sentait noté, alors il fit ce que son rang le poussait à faire avec autant d’énergie qu’un comateux dans un jeu de précision. Ses mouvements parfois brassaient du vide, tout n’était qu’apparence. En vérité, il était trop préoccupé pour se soucier d’un blé trop vert ou trop blond. « Comment ai-je pu brûler ce livre ? Je sais que c’est moi, je ne sais pas comment, mais j’ai le sentiment d’y être pour beaucoup. » Favel n’eut pas, il s’en doutait de compte rendu important à rendre pour ce devoir.
Le cours terminé, Uthiel vint le voir avec ses habituels cheveux en bataille, qu’il frictionnait pour leur donner encore plus d’effet. Ils se mirent à marcher côte à côte, Favel hésita à lui raconter ses doutes. C’était sûr qu’Uthiel ne se servirait pas de ses propos contre lui, mais comme lui-même ne savait pas ce qui le contaminait ; cela revenait à parler d’une maladie inconnue… Pour le moment, Uthiel lui parlait du personnage qu’il avait incarné, des impôts qu’il avait dû percevoir et du fait que la loi semblait bien plus compliquée vue de l’intérieur, surtout quand on devait l’appliquer. Il avait dû se souvenir de ses révisions pour ne pas paraître idiot devant les autres percepteurs.
- Avec Arthur, ton exposé avance t-il ? - Pas vraiment, figure toi qu’il n’était pas à la bibliothèque ce matin ! J’avais trop froid à l’attendre… - Tu m’étonnes ! C’est un bosseur quand il veut et parfois… Uthiel donna un coup de coude à Favel pour mettre en évidence ce qui allait suivre. C’est un sacré paresseux, rit-il. - Non, c’est surtout qu’il est un peu tête en l’air… disait Favel d’un ton vague. - Oui, c’est à peu près ce que j’ai entendu contre lui, renchérit Uthiel. Je l’ai rencontré d’ailleurs, il m’a raconté que tu as brûlé un livre de la bibliothèque. Il voulait savoir si je savais pourquoi, je ne savais même pas que tu avais fait ce genre de choses. - C’est surprenant, mais être seul à la bibliothèque m’a mis les nerfs en pelote. - Bon tu sais au pire, je demande à ma mère, elle trouvera bien dans son stock ton fameux livre. Comment s’appelait-il ? - « Jurasko hypothèses et vérités : années 1900. » - Oh… maestro et quelles sont ces vérités si profondes pour un tel titre ? - Tu sais pas grand-chose… tout n’est que crise économique, relance etc… - Alala, répondit Uthiel tout en s’installant sur l’une des marches de l’escalier. Tu sais que ton sujet a l’air passionnant, mon gars. - Arrête de te fiche de moi, j’arrive déjà pas à me motiver… - C’est pas moi qui peux t’aider… en revanche tu sais pour ma filière de médecine… - Ta filière de quoi ? Favel s’assit à ses côtés, limitant l’accès déjà restreint à l’étage supérieur. - Tu sais bien que bientôt, tchao l’histoire ! Et bonjour les joies de la médecine. Ah bonheur !!!! - Bof, tu vas disséquer des trucs et des bidules… Un sourire taquin naissait sur les joues rebondies d’Uthiel pour devenir machiavélique. Il se leva, fit des tours avec ses mains au- dessus de la tête de Favel en cercle comme un vautour. - Je vais savoir quels sont les tourments de l’étudiant Favel Yassim troisième année d’histoire, 1m65, petit, mesdames et messieurs et d’un poids de… C’était à ce moment que Favel dut d’urgence se lever pour ajouter : - Mec super pendant que tu y es… - Non, mec un peu maigre… - Je t’ai demandé ton avis ? Taquinait Favel. - Non, mais comme d’hab’ je me l’accorde que veux-tu, répondit Uthiel en courant vers les marches. Allez vas-y champion, direction cours de madame Séphranie ! -Pff… pas motivé, vas y je te rejoins… - D’accord, toute.
La volonté s’envolait au fur et à mesure du temps, il serait bien resté là le temps de la pause si un événement n’était survenu. « Où est-ce que je vais là ? Je suis en train de devenir fou ou quoi ? ». Ses mains semblaient si communes, si banales, non cela ne pouvait venir de ses mains… Et pourtant le mystère demeurait sous verre, impossible à briser. Il finit par se lever en regardant une dernière fois la salle qui lui avait fait endurer la Renaissance et où il n’avait strictement rien appris… Soudain il vit un enfant qui le regardait depuis la pièce de simulation. Des boucles encerclaient sa tête d’une aura noire, telle une éclipse mystérieuse; il était apparu. Venu d’on ne savait où son short trahissait d’autant plus sa venue presque surnaturelle. En plein mois de février, ce genre de vêtements n’était pas commun. L’enfant se mit à téter son pouce et, en dépit de tout ce qui se passait Favel lui posa une question idiote :
- Où sont ton papa et ta maman ?
Le jeune garçon sortit un bout de chiffon mal lavé de sa poche, puis remit son pouce dans sa bouche avant d’avancer une jambe devant l’autre difficilement. Quand Favel se mit à le regarder de plus près, il vit qu’il boitait. Il se rendait vers la salle à bulles. Epouvanté par tous les dangers qu’elle représentait, il lui attrapait l’épaule. Pour éviter qu’il n’ait peur, il lui parlait doucement :
-Tu sais que ces machines sont dangereuses… Tu peux ne plus en sortir…
Des souvenirs défilèrent dans sa tête, dans la fac on racontait souvent qu’une femme n’avait pas réussi à quitter le monde des rêves et y était restée emprisonnée. Un mauvais réglage du générateur central principal avait été à l’origine de tout cela. Ceux qui restaient coincés connaissaient un destin tragique, on ne pouvait séparer l’esprit du corps sans cela le corps s’effaçait… Et c’était ce qui s’était produit, une sépulture vide avait été installée pour rappeler à tous que les erreurs finissent par retomber de manière désagréable. Personne ne savait ce qui se passait lorsque tout était éteint, lorsque le monde des rêves légitimement se fermait à toute entrée. On y parlait d’une ambiance terrifiante, il ne s’agissait pas là d’un terrain de jeu pour un enfant si jeune... Alors qu’il voulut le prendre par la main, l’enfant le regarda et étendit son bras gauche. Favel ne comprit pas, il n’arrivait plus à avancer. C’était comme si l’enfant le bloquait.
Un bruit de routeur se déclencha une machine avait dû être actionnée. Sans doute, le professeur avait-il voulu créer le prochain exercice. Mais alors que Favel restait paralysé, une femme, qu’il n’avait jamais vue sorti de la salle. -Thani, viens et laisse ce doxien là où il est ! Elle était indescriptible, ses traits trahissaient une jeunesse certaine, mais sa voix grésillante évoquer une flamme sur le point de s’éteindre. -Comment m’avez-vous appe…
D’un geste, alors que Thani la rejoignait, elle envoya à Favel un souffle puissant qu’il l’envoya contre le mur. Les marches devinrent lisses, les murs se fondirent dans le sol, tout se confondit. Derrière ce flou, il vit néanmoins deux silhouettes qui couraient vers les bulles. « Non Madame, c’est dangereux… » pensa t-il avant de sombrer peu à peu dans l’inconscience. Il était dans une ville de ferraille entourée par d’épaisses fortifications, chaque tourelle soutenait l’imposant ouvrage de toutes ces heures de travaux pénibles. Les remparts touchaient le ciel si bien qu’il faisait déjà nuit à 16heures de l’après-midi. Un front dégarni offrait au soleil un bien étrange dans lequel il peignait chacun de ses atours. Ce front s’appelait la muraille de Balagwen, l’imposante et la rigoureuse Balagwen. Favel hallucinait, il obtint toutes ces informations en lui-même, comme s’il eut créé tout cet espace. Cela paraissait impossible et secrètement, il le savait. Pour la première fois, il n’avait pas la sensation de ne plus rien contrôler.
Un vieux précepte de Jurasko enseignait un vieil adage : « Si tu ne sais pas d’où tu viens, alors avance et deviens ce que tu es ». Ce proverbe n’était sûrement pas à prendre au pied de la lettre, mais il était bon de se raccrocher aux choses connues. Cela agissait pour Favel comme un tranquillisant, qui évitait des questions angoissantes propres à la circonstance dans laquelle il se trouvait. Il se mit donc en route… mais ne croisa personne. Il faillit en devenir fou, comment une ville pouvait être déserte ? Il désespéra jusqu’à ce que, à un carrefour, l’impossible se produisit ; il croisa enfin un être humain. C’était un vieil homme au cou si long qu’il en usait pour atteindre les pommes d’un arbre, qu’il léchait avec un désir visible. - Pardonnez-moi, dit Favel en se rapprochant de cette personne. Pourquoi n’y a-t-il personne dans cette ville ? Etes-vous le dernier survivant ? Pour répondre à Favel, il rétracta son cou afin qu’il revint à une taille normale. Bien que ce phénomène aurait dû m’interpeler, la même impression flottait dans cette ville, tout était normal… « Mais, alors pourquoi je me sens bizarre ? ». - Oh que non, ici c’est une ville où l’on n’habite pas. - Et pourquoi ? ! Cette fois, cette remarque réveilla à Favel une curiosité plus pointue, il voulait savoir. Le savoir entraîne des questions indiscrètes, et les questions indiscrètes des aveux meurtriers. - Parce qu’ici on se réunit uniquement pour fêter la mort. - La mort ! Mais c’est idiot, vous êtes malade ! Je veux sortir d’ici ! - Mais, tu es déjà presque dehors… - Non, je suis enfermé ! -Parce que tu as cru que ce n’était qu’un état passager… Ah elle est belle la jeunesse ! -Goute moi ces pommes, tu seras peut-être plus instruit, qui sait c’est peut-être possible ?
La mystérieuse emprunta un rire qui fit dresser les cheveux de Favel. Il voulait juste rentrer chez lui… et ce le plus vite possible. Son souhait était si ardent que dans sa main apparut une boule de feu, qui grossissait, grossissait jusqu’à prendre une belle taille. L’index du vieil homme désigna Favel, tremblant encore il déclara :
- Tu es un des leurs !
Tout se troubla de nouveau, il entendit des voix l’appeler. « Favé ! Hé mec, c’est pas le moment de faire dodo ! « . Analyse système, il devait s’agir de Tanith… En ouvrant les yeux, un chapeau en jean bleu caractéristique, des boucles rousses, des yeux larges penchés au dessus de lui comme une curiosité, oui c’est bien Tanith. Favel s’attendait au pire et c’était effectivement un sacré réveil qui l’attendait. Elle lui tira le bras gauche brutalement, puis comme il vacillait, elle lui appuya sur les épaules. Elle le dépoussiéra comme un vieux meuble qui aurait vieilli et lui hurla un gentil :
- Alors, on faisait la sieste ? Tu ronflais, on t’entendait depuis mon cours ! Tu t’en rends compte depuis mon cours ! - Merci du commentaire, tu as encore cours ? S’énerva t-il. - Ouh là, qu’est ce qui se passe Fav’ ? - Je crois que comme réveil, il y a mieux … Tu m’as déchiré l’oreille, vieille folle, lui dit Favel. - Ah désolé mais…
Avançant son pied, elle écrasa le sien avant de courir comme une dératée dans l’escalier. Cette fois, il se mit à courir derrière elle, sans prêter attention au petit garçon qui le regardait depuis le troisième étage…
Chapitre 2 : Une découverte surprenante - Spoiler:
- Allez, quoi tu peux me le dire à moi ? dit Tanith.
Favel avait réussi à la rattraper, puis avait plaqué ses mains dans son dos tout en la poussant pour avancer. C’était dans cette posture pour le moins insolite qu’ils avançaient l’un derrière l’autre sans que l’un ait l’initiative de se dérober ou de lâcher son emprise. Tanith, dans un pantalon déchiré « artistiquement » cachait un insaisissable et insatiable intérêt qui la poussa à réitérer sa question sans jamais obtenir de Favel un seul aveu. Favel n’avait pas envie de confier qu’il s’était endormi et qu’il croyait avoir survécu à une attaque magique. Ce n’était pas le seul trouble qu’il conservait dans son cœur… qui pourrait le comprendre mieux que lui-même. Si lui-même ne parvenait pas à résoudre ses propres énigmes, s’il était faible au point de ne pas trouver des réponses, mieux valait ne pas rouvrir des blessures encore trop vives. Dans son cœur, une faille secrète, une faille interdite le tranchait de part en part et puis voilà tous ces événements qui s’enchaînaient comme une pelote mal agencée. Les élèves les regardaient comme des bêtes de foires. Tanith était ravie ; elle adorait se mettre en avant par tous les moyens possibles et même si ce n’était pas le cheval de bataille il aimait suivre ses exubérances, qui se terminaient souvent par des rires. Elle était le genre de fille fatigante, mais qui d’une certaine manière mettait de la couleur dans ce qui était fade.
- Hé attends, où tu m’emmènes ? - A mon cours ! répliqua t-il d’un ton de défi. - Mais, m’en fous-moi de ton histoire ! Moi j’ai fini !!! le provoqua t-elle.
Tanith n’eut pas le choix, Favel était du genre tenace, lorsqu’il avait une idée de vengeance en tête, rares étaient ceux qui arrivaient à lui faire changer d’idée. Uthiel, soulagé de voir débarquer Favel esquissa un sourire. Il savait que cela ne servait à rien de pousser Favel à exécuter telle ou telle tâche immédiatement, il aimait trop son esprit indépendant pour se plier à des directives. C’était à se demander comment il ferait plus tard… Autant qu’il dirige les autres, mais pour diriger les autres, il fallait supporter avoir été dirigé… C’était le venin de non-retour… Et pourtant il savait qu’il faudrait en passer par là. Une autre journée venait de s’écouler autant dire qu’il ne s’était rien passé d’extraordinaire. L’éternel chemin de retour s’offrait à Favel, qui pour troubler le silence martelait le sol de ses pieds. Il était trop tard la musique de la rue avait cessé, ce silence lui rappelait celui de la bibliothèque. « Quelle bande de masochistes ! Ils s’enferment dans des locaux pour vivre des aventures, ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que la grande aventure se passe sans eux. Ils se condamnent à être muets, mais ils veulent être entendus. » Ses lèvres se plissèrent face à ce paradoxe, lui donnant davantage un air charmant, un air que cependant il méprisait… Il avait l’air d’un enfant ainsi ou d’un attardé disaient certains pour se moquer.
N’ayant aucun contrôle sur ce sourire étrange, il l’offrit à tous les passants gracieusement. Certains s’amusèrent de cette mimique sans qu’il en ait conscience, il paraissait impassible comme enfermé dans une bulle qui n’appartenait qu’à lui. Une femme vint à sa rencontre pour lui demander l’heure, il s’était toujours demandé pourquoi dans cet état tout le monde venait le voir, serait-ce pour profiter de ce spectacle ? « 20h 05 ». Oui, il était cette heure-ci, il n’avait toujours pas mangé, inutile de se rendre au restaurant universitaire… le service se terminait à 20 heures 15, « le temps de s’y rendre, ce sera foutu… » La passante ne comprit pas cet air circonspect que prit Favel et le remercia pour cette indication. Elle le laissa en pleine réflexion sur le trottoir. « Est-ce que je m’incruste gentiment chez un pote ou je jeûne à la résidence ». La réponse fut immédiate, il reprit le chemin de la résidence. Au bout de quelques minutes un large bâtiment en coupole lui fit face, il vit sa fenêtre, qu’il avait laissée ouverte. Il ne revenait que très peu chez lui, ces murs si rapprochés lui donnaient assez vite la nausée. Il se fit les six étages en cavalant quatre à quatre dans les escaliers sans prendre le temps de reprendre son souffle. Ce n’était que porte close qu’il se reprit enfin. Ah il adorait sentir cette excitation face à l’effort, sentir que ses jambes pouvaient à tout moment le lâcher et puis continuer malgré tout avec toujours le même élan. Le seul point négatif était que l’arrivée était moins triomphale, complètement mort il finissait toujours par s’évanouir brutalement sur son lit avec béatitude. Cela ne posait aucun problème lorsque la porte était fermée, mais cette nuit il l’avait oubliée dans sa course.
Elle était close mais la clef n’avait pas été tournée et était retournée dans la poche de son possesseur…
Une cheminée allumée broyait les dernières bûches qu’un homme lui remettait. Il adressa à Favel un sourire, puis tout en brossant sa chemise, il se hâta vers une autre pièce en clamant : - Bonjour Favel, comment vas-tu ?
L’un après l’autre il ouvrit les yeux pour découvrir un salon assez bien meublé, même trop meublé.
- Que se passe t-il ? - Je vous ai trouvé devant ma porte, ce serait plutôt à vous de vous demander ce que vous faisiez chez moi. Sa voix atteignit les combles et plus encore sa voix portait loin et il semblait prendre un certain plaisir à l’utiliser. - Comment ?! … Ah j’ai dû m’endormir encore une fois. - Tu es un doxien, ça alors ? s’exclama l’homme. Son hôte parut dans la même chemise blanche impeccable dans laquelle il l’avait vu, il y avait quelques instants. Par réflexe, il remit en ordre ses mèches pour qu’elles forment un carré strict. Il redressa sa stature tout en tirant vers lui un tabouret pour prendre place à côté de l’inconnu. - Un doxien ! Tu ne connais pas ce mot, tiens ! Ah oui, tu dois plus connaître le terme « gaïen ». - Gaïen, ça vient de Gaïa ?
Tout cela lui semblait irréel. Comme pour conjurer un vilain sort, il fit tous les actes du matin, il se frotta les yeux jusqu’à qu’il sente une larme couler puis se leva. L’autre détourna la tête. Favel, perplexe posa les yeux sur son corps… il était nu comme un ver. Vite fait il se remit sous la couverture qui l’avait abritée. Il apprit qu’il se trouvait dans un lieu qui se nommait l’Igaesia, il fut éberlué de constater qu’il avait changé de monde. Vu son état il était prêt à toute sorte d’explication sauf celle-ci à vrai dire. L’Igaesia était un monde de songes éternels où se renouvelaient les rêves gaïens via plusieurs arbres, dits les morpheus . Ils contrôlaient l’immortalité de ces habitants et ainsi assuraient un retour sans une seule égratignure aux Gaïens.
- Donc vous n’êtes qu’une illusion ? - Ah non, notre monde est surnommé celui des illusions par votre monde. Pour nous, c’est votre monde celui de l’illusion c’est une guerre de clocher. L’homme se dirigea vers une grosse corbeille en osier et en soustrait une tenue ocre qu’il tendit à Favel. - Prenez cela vous aurez plus chaud, il fait parfois froid, le vent des morpheus peut être rigoureux.
Favel prit rapidement le vêtement comme s’il pouvait s’échapper. Quand il fut seul, il essaya de retrouver un peu de bon sens. Il était dans une maison inconnue, dans un pays à moitié connu, il s’était réveillé à poil, celui qui l’avait sauvé connaissait son nom sans qu’il le connaisse. Il enfila nerveusement son pantalon en sautillant sur place. La tête ailleurs il percuta le bord de la table et ne put retenir un cri. L’homme qui l’avait accueilli revint et le trouva dans une drôle de position. Il sourit et l’aida à enfiler cette tenue singulière. Il ne faut pas l’enfiler par le bas sinon vous n’y arriverez jamais !
- Vous connaissez mon nom… comment ? -Vous êtes un Gaïen, chaque Gaïen qui traverse nos contrées est aussitôt identifié. - Identifié ? Vous pouvez nous localiser ? - Connaissais-tu Balgwen avant de t’y rendre ? - Comment savez-vous que j’y étais ? Après avoir noué le haut du corps, l’homme tira sur l’étoffe qui dans un clic s’allongea pour venir toucher ses pieds et s’ajuster au corps. - Mon arrière-arrière-grand-père… tu as rencontré mon grand-père. Ces mots résonnèrent. Arrière et des poussières grand-père… « Pays de fous oui… ». Il secoua la tête puis se mit à gratter sa main droite tout en réfléchissant à ce monde et aux moyens qu’il aurait de rentrer chez lui. - Donc vous avez su mon prénom dès que vous m’avez vu… -Exactement.
L’homme serra brusquement un lien au niveau de genou, qui arrêta Favel dans ses considérations. L’habit l’étouffait sauvagement, il se sentait comme une truite dans un filet de pêche, englué dans un marasme innommable. « Comment lui dire que son cadeau n’était pas d’or ? Punaise, on peut bouger avec ce truc ?…. » Essaie d’avancer pour voir.. « Je vais m’écraser par terre… » Favel regarda autour de lui, puis se dirigea vers l’homme, qui lui paraissait être un géant à côté de lui… Enfin tout le monde était grand à ses yeux. Le complexe ne le guettait pas mais le désir le dévorait… « Voir le monde de plus haut… juste 3 centimètres ». Dès qu’il étira sa jambe, il sentit son vêtement fondre et s’adapter à ses mesures. Il se transforma et devint une longue chemise noire qui lui arrivait jusqu’à mi-mollet. Le bas se composait maintenant d’un pantalon patchwork fait d’un amalgame de couleurs venues d’on ne savait où.
- Bien je vois que vous avez trouvé votre style. Le vêtement s’est fait selon vos exigences, sourit l’homme. - Mes exi… Quoi, il est vraiment trop… laid ce pantalon !! s’insurgea Favel. - C’est vous qui êtes responsable de cette création… tous les goûts sont dans la nature… pouffa l’homme. Mon nom est Dazir.
Il dit son nom en regardant Favel, tout d’un coup Favel vit une partie de l’histoire de l’homme. Il avait toujours vécu seul dans sa maison, car il voulait secourir tout le monde, pour se faire il avait renoncé à construire une famille. Dans plusieurs villes, il était reconnu également pour ses élixirs qui avaient le pouvoir de guérir des plaies.
- Tu vois, il a suffi que je te dise mon prénom pour que tu voies toute ma vie. L’Igaesia est ainsi, les lieux vous sont déjà connus à votre arrivée. En revanche, pour nous, vous nous connaissez immédiatement par notre nom et ce, tout durant que nous restons ici. - C’est… magique.
Dazir partit sans ajouter de remarque, il pria seulement Favel de ne faire aucun commentaire sur sa vie et de se préparer à la venue d’une visiteuse. Favel n’attendait personne, et ne souhaitait pas vraiment connaître une autre personne. Il avait trop peur de ce qu’il pourrait découvrir… et soudain comme un cyclone une peur se déclencha. D’un bond, il se précipita vers l’extrémité de la pièce. Dazir lui tournait le dos, il tranchait une carotte en fines lamelles puis les jeter dans une poêle.
- Dazir… vous savez quoi de ma vie ? Il n’arrêta pas de préparer son repas et lui dit entre deux soupirs : - Toi… tu es spécial, et même si tu ne l’étais pas les Gaïen sont pour nous un sujet de préoccupation, car ils ne sont pas aussi limpides que nous… Parfois, ils causent des drames. Saisissant l’ampleur d’un prénom dans ce monde, Favel se jura de ne plus prendre cela à la légère… - Vous disiez que quelqu’un voulait me voir ? - Oh que oui, il y a certaines choses que je dois taire te concernant. Dazir continuait de couper rigoureusement les tranches de carottes de façon à ce qu’aucune n’eût à envier sa voisine. Il expliqua à Favel qu’il préparait le repas de ce soir. Un grand panier de carottes restait à éplucher et même si Favel se demandait l’utilité d’en préparer autant, il proposa son aide. Dazir le remercia, mais lui indiqua une tâche bien plus fâcheuse. L’écurie renfermait un scramp jaune, un scramp qui allait être, disait Dazir, son cadeau de bienvenue. Ne voulant pas différer sa curiosité, il partit sur le champ à l’extérieur, laissant Dazir à ses fourneaux.
Le sol, trop sec, à son goût lui parut étrange, où était passé le sol meuble de Gaïa ? A présent qu’il était loin de chez lui, Favel aurait tout donné pour une pluie. L’écurie se situait au milieu d’un champ de verveine, au milieu d’un terrain assez grand… Favel regarda les sabots qui gardaient l’entrée de la chaumière. Il se dit que Dazir ne verrait aucun inconvénient à les lui prêter. Il ne se voyait pas traverser toute cette étendue sans chaussure, les pieds à même ce sol sûrement brûlant…
Favel frissonna. Le bois était beaucoup plus froid qu’il ne l’avait pensé. Les deux petites esquilles pesaient leur poids ; c’était avec de multiples efforts qu’il atteignit le cabanon de pierre. La mousse n’avait dévoré aucune pierre de l’édifice, il était resté intact de tout parasite. Trop impatient pour s’inquiéter de ce qu’était un scramp, il ouvrit la porte.
- Yaaaaah
Une créature se jeta sur lui en s’exclamant, d’un cri profond plein de joie. Favel recula lorsqu’il sentit une étreinte se fermait autour de sa taille. C’était trop tard, « ce truc » s’était enroulé autour de lui et était assez encombrant… La créature l’observait de ses yeux jaunes. Ses deux soucoupes filtraient l’obscurité comme si elles se nourrissaient de cette noirceur pour propager toute cette lumière. En sortant de la cabane, il s’aperçut que la créature avait une tête triangulaire, poilue, avec une truffe noire, deux oreilles pointues, c’était une tête de renard. Son corps néanmoins donnait des soupçons quant à sa nature : des écailles vertes jalonnaient une surface lisse tandis que sur son dos gisaient repliées deux petites ailes.
-Bonjour Favel, miaula t-elle. - Ah mais tu es… - il courut, tentant de l’arracher en hurlant- Un serpent !!!! - Mais arrête ! Je suis pas un serpent, je suis ton scramp ! mugissait –elle à présent.
La scramp fit de ses anneaux des pinces qui maintenaient leurs pressions. Sa tête secouée par cette chevauchée mal anticipée était ballottée. Tout autour d’elle disparaissait puis réapparaissait sans discontinuité tellement que…
- Arrête idiot, je vais être malade !
Elle vit ces mains agressives qui avaient continuellement cherché à lui faire des misères. Puisqu’elle était rancunière et n’ayant pas d’autres choix, elle mordit. Qu’elle ne fut pas la réaction de Favel, qui pris d’une colère sans limite, envoya une boule de feu contre la créature. Eberluée et étonnée, elle le rouspéta, le visage encore roussi par les flammes. Elle le sermonna sur son devoir d’Igaesien.
- Minute, qu’est ce que vous avez tous avec les noms ? Je suis quoi moi pour vous ?
La scramp se dénoua, lui fit un signe de dédain puis s’envola vers la maison de Dazir. Ce n’était pas le maître qu’elle avait attendu depuis toutes ces années ! La vexation se lisait sur ses joues tandis que son air courroucé noircissait son regard devenu quelque peu haineux depuis l’attaque surprise. Jamais personne n’avait intenté une riposte aussi violente sur son scramp, son honneur avait été souillé.
- Reviens !!
Soudain tout s’arrêta, les oiseaux, le vent dans les arbres, même la dite scramp ne bougea plus une aile, le temps s’était suspendu. Une grande spirale garnit la campagne de ses effrayantes hélices. Favel fut le premier aspiré et alors qu’il tendait le bras comme se maintenir dans l’Igaesia, il était déjà revenu à Gaïa.
L’habituel manège vint à lui ; les contours des objets environnants s’affinaient jusqu’à être pimentés de coloris allants du froid au chaud. Sur le coup, il trouvait déjà cela horrible d’avoir deux vies, mais il vit quelqu’un penché au dessus de lui. Il sursauta ; c’était Uthiel. Il avait été averti par Tanith de l’état du garde-manger et avait apporté de la nourriture. A la vue de son camarade étalé sur le lit de cette manière, il s’était assis et avait attendu son retour avec une certaine impatience.
- Tu as encore tenté la montée de la mort ? Favel prit un air de conquistador et relata son exploit avec une fierté non contenue. Puis il revint sur des sujets plus sérieux… Genre, pourquoi la porte était-elle ouverte ? - Je sais pas, je l’ai trouvée comme cela… Me suis inquiété, car d’ordinaire tu n’es pas le genre de gars à laisser ta chambre porte ouverte.
Son ami crut à un phénomène supranaturel, en fit part à Uthiel, puis se ravisa. « Le pauvre doit déjà se demander quelle mouche m’a piqué… ». Sortant de la conversation qu’il tourna à la dérision, il remercia Uthiel pour son aide. La soirée se poursuivit par des discussions interminables, qui finissent par s’achèvent par manque de salive et de sommeil. Comme Uthiel n’habitait pas à deux pas, Favel lui proposa de dormir chez lui. Mais, alors qu’il émit cette suggestion, il réfléchit à toutes les répercussions, que cette invitation entraînerait. Uthiel avait déjà accepté de bon cœur, Favel était coincé, quoi qu’il advienne de bizarre cette nuit ; il faudrait y faire face…
- Sérieux, j’ai cru l’espace de dix secondes qu’il s’était passé un truc grave… c’est pour ça que je suis resté. Te regarder dormir n’est pas très exaltant, dois-je te dire, plaisanta t-il.
Retirant une chaussette, Favel voulut, tout en évitant le regard de son ami, lui poser la question fatidique. Après tout ils ne s’étaient rien caché l’un pour l’autre les concernant, il ne voyait pas pourquoi lui dissimuler cette inquiétude. Il mit néanmoins les formes pour l’énoncer de manière, disons, convenable.
- Est-ce que tu as remarqué quelque chose quand je dormais ?
La question le surprit, il recula la tête comme pour deviner une blague qui surgirait. Fallait-il être sincère ou blaguer ? Il sourit, puis assura n’avoir vu qu’un gros bébé roulé en boule.
- Trop gentil pour la comparaison, rit Favel. - A ton service, tu peux pas savoir, comme tu es mignon quand tu dors… - …. Allez bonne nuit Uthiel. As-tu bien fermé la porte cette fois ?
Déjà la tête bien engagée sur l’oreiller, Uthiel psalmodia un oui tout faible qui signifiait que lui, était presque parti. « Même sur ma sortie de bain par terre, il dort à peine croyable… Et on dit de moi que je dors comme un bébé… » Dans son lit, il regarda le plafond, lui, n’avait aucune envie de dormir. Ce monde l’intimidait. Avant quand Favel dormait, il n’aurait jamais soupçonné cette seconde vie… C’était une vie sans conséquence… Où toutes les règles étaient changées. Le savoir lui était pénible. Il s’était toujours souvenu de chacun de ses rêves comme d’un film qu’il aurait visualisé durant la nuit, mais delà à le croire réel non !
D’autres auraient trouvé cette aventure exaltante, il la trouvait angoissante. La seule heure dite de repos ne l’était pas vraiment. Depuis la nuit des temps, les hommes s’étaient fourvoyés… Des hommes comme Uthiel prennent ce monde pour de l’irréel. Rien que cette idée le mettait mal à l’aise. S’il sortait, Uthiel le remarquerait. Il prêta son attention aux couvertures qui s’élevaient puis s’affaissaient au rythme de la respiration de son ami. « Il dort déjà bien, si je me débrouille bien… »
Jouant les acrobates entre la ceinture d’Uthiel, son sac, la veste en cuir qu’il sentait sur la chaise qu’il frôlait, Favel se sentait envahi. Il étouffait de ne pouvoir dire « Uhiel allume la lumière ». Enfin parvenu à la porte, il l’ouvrit puis descendant les escaliers il gagna l’extérieur. Les réverbères de l’allée avaient dû sauter, car aucun éclairage ne marchait ce soir-là. Le jeune homme avait un besoin fou de marcher et ce, quelle que soit l’heure.
Comme d’habitude lorsque tombait la nuit, jamais aucune pluie n’éclatait. Les soirées étaient toujours sèches, dénuées de toute émotion ; seul le silence glaçait la pénombre. Et cela, énervait Favel qui se mit à courir vers les ténèbres comme pour provoquer un événement, n’importe quoi l’aurait satisfait. Qu’espérait-il à deux heures du matin ? Il était le seul écervelé qui se refusait à dormir. Une fois éreinté, il revint à la résidence deux heures plus tard et se prit des vitamines suivi par une tasse de café. Il voulait se donner du temps, du temps pour se ressaisir. Tout arrivait si vite… trop rapidement pour lui. Il n’avait pas encore encaissé le choc d’être différent à ce point. Une différence, dont il n’allait pas pouvoir se défaire, car il ne pouvait pas la partager…avec n’importe qui même un ami…si proche soit-il. « Désolé Uthiel… » Mais intimement il se disait « désolé pour moi… »
Complètement lessivé, Favel se glissa dans son lit. Cette nuit, sa fatigue fut telle qu’il ne put rejoindre l’Igaesia. Uthiel le réveilla ce qui était pour lui les aurores. Favel n’avait dormi cette nuit que trois heures, autant dire que la journée se passa comme un ralenti long et profond. Dans les couloirs, il ressemblait à un revenant que même Tanith se refusait à hanter. Il ne fallait pas non plus lui parler de l’exposé. Tout ce qui l’intéressait se résumait en un mot, des lettres, des sons uniques et si mélodieux à entendre : dormir.
Grincheux à un point critique, il paracheva sa journée par une intervention en cours, où il proposa une définition grotesque du Tiers-Etat. « Le gouvernement a vu dans ses intérêts de répartir la population en différents états d’où le Tiers-Etat ». Certains étaient tellement surpris de sa réponse qu’ils ne purent en rire. La professeur n’émit aucun commentaire, mais se hâta de solliciter quelqu’un d’autre, quelqu’un de plus réveillé… A la fin des cours, Favel leva le poing, il avait vaincu et se sentait un boxeur sur le ring. Décidément, il n’était pas un bon veilleur… Au ridicule mieux valait, se disait-il affronter cette situation, cette situation qu’il avait à l’Igaesia.
Les yeux en amande d’Uthiel le regardaient rieurs. « Il m’a entendu… il doit me croire somnambule, enfin bon pas grave… ». Favel se traîna jusqu’à la résidence en prenant le car pour s’épargner les quinze minutes de marche, puis comble de la paresse, il prit l’ascenseur. S’il avait été davantage conscient, cette attitude l’aurait révolté. Pour lui, seules les personnes âgées ou des personnes à mobilité réduite prenaient cette cabine. Et sa tête, et sa tête, et sa tête si lourde… Il se pencha sur le côté de l’ascenseur, lorsque la sonnette d’appel retentit il sentit de la bave sur le coin de ses lèvres. « Vraiment hs… ». Il lui prit l’envie de courir pour atteindre sa chambre, mais son pas était si lent et si lourd qu’il s’abstint pour le couloir qui lui restait à franchir.
« Enfin, je te retrouve… tu es bien en vrac dis donc » pensait-il en regardant son lit, qui prenait d’un coup les traits d’une personne protectrice voire salvatrice. Il ferma avec soin cette fois sa porte. Sur sa table de chevet, il regarda ce traître à la trotteuse sourde et décida de ne pas mettre l’alarme. « Je n’irai pas demain ! J’ai des choses à régler… » C’était sur cette note décisive qu’il s’endormit tout habillé dans les draps du sommeil. Il reprit alors de nouveau le chemin de l’Igaesia… Chapitre 3 : ( alors là j'ai de nom... XD J'y réfléchirai !) - Spoiler:
A nouveau la même plaine herbue, tout était semblable si ce n’était qu’en face de lui, il y avait une scramp en colère. Des égratignures, des coupures couvraient son corps alors qu'elle rampait, elle ravalait sa salive pour retenir sa douleur. Sa faiblesse ne l’empêcha pas de rabrouer Favel pour son absence. Elle avait dû recevoir la visiteuse seule et avait encouru le combat sans son aide… Au début, ils l’avaient attendu, mais finalement son adversaire avait déclenché l’affrontement…
- Personne ne m’avait dit que j’allais combattre !
- Tu n’es pas revenu pour le savoir ! De toute façon, je me débrouille bien seule… J’ai toujours survécu ainsi alors ce n’est pas un doxien comme toi qui va m’apprendre à vivre !
La mine courroucée, elle ouvrit la gueule et envoya à la tête de Favel une petite boule de feu. Par souci de rancune, elle voulait que lui aussi subisse le même sort qu’elle. Elle s’enfuit vers la maison de Dazir. Ses ailes s’agitèrent lentement, sa trajectoire se faisait incertaine. La honte n’envahit pas Favel, il n’était au courant de rien et puis même, il n’avait rien demandé ! Une grosse voix retentit derrière son dos, c’était Dazir qui se fit beaucoup moins tendre que la scramp.
- Comment te comportes-tu avec ta scramp ?! N’as-tu pas honte !
- MA scramp ! Elle veut être tranquille ! Elle ne m’appartient pas !
Dazir bougea ses doigts dans tous les sens comme pour arriver à saisir l’embarras dans lequel se trouvait Favel.
- Tu as besoin d’elle… autant qu’elle a besoin de toi. Elle a failli mourir, je l’ai sauvée… Elle voulait se battre jusqu’au bout… plus rien ne l’intéressait… exprima tristement Dazir.
Enervé, Favel ramena son bras derrière son dos, puis projetant un mot maudit, un mot qui faisait dresser les cheveux sur la tête, mais un mot qui le torturait : -Pourquoi ?!!!!!
Dazir reprit une hache, qu’il avait laissée pour couper du bois et invita Favel à l’accompagner jusqu’à son logis. Favel ne semblait pas retenir l’attention de l’Igaesien, celui-ci revêtait comme une honte sur lui qu’il ne voulait pas évoquer. En chemin, il lui raconta qu’il était un Igaesien spécial puisqu'il avait la capacité de contrôler plusieurs éléments, dont le feu. C’était ce genre de personne que l’on nommait doxien, car ils avaient hérité des pouvoirs des anciens, mais vivaient sur Gaïa.
- Tu as du sang d’Igaesia en toi mais aussi de Gaïen, c’est un hasard et chez toi ces deux sangs se sont mélangés pour n’en former qu’un seul. A ta naissance Quilys est née, comme elle n’était pas comme les autres scramps, elle s’est retrouvée seule. Tous ses frères et sœurs se sont retrouvés avec des Igaesiens pure souche, eux ils ne maîtrisent qu’un seul élément. Ils sont passés maîtres dans leur élément de naissance tandis que les doxiens le découvrent tardivement et doivent donc se hâter de le maîtriser…
- Mais je… interrompit Favel
Dazir leva son bras gauche et lui montra sa paume.
- Tu parleras tout à l’heure. Donc, oui Quilys est ta scramp, elle t’a attendu pendant une vingtaine d’années. Elle savait que tu finirais par venir et que lorsque tu découvrirais tes pouvoirs, tu ne tarderais pas à trouver cette vallée. Alors, elle est restée avec moi durant tout ce temps. J’ai d’ailleurs eu du mal, la compagnie est un phénomène plutôt étrange pour moi. –Dazir sourit, puis son regard se reposa sur Fave l - Comprends-la, elle a angoissé de ne pas être à la hauteur de tes attentes et toi tu l’as rejetée !
- Elle s’est jetée sur moi ! s’exclama Favel en se postant devant Dazir. Dazir, forcé de s’arrêter, continua néanmoins son discours.
- Mais tu n’as pas cherché à comprendre… puis tu n’es pas revenu, elle l’a vécu comme un échec. Echouer avec leur doxien revient à avoir échoué sa vie… La douleur l’envahissait et lorsque ton premier combat est arrivé, elle s’est aussitôt mise en place et a appliqué le seul sort que tu maîtrises, je dois dire moyennement, la boule de feu. Comme vous ne vous êtes pas du tout concertés ses attaques faiblardes n’ont rien fait au scramp adverse ainsi qu’à son adversaire.-A ce moment, Dazir tourna un doigt accusateur- Seul le maître peut décider la fin d’un duel et tu n’étais pas là ! - Et alors ! Vous l’avez sauvée ! - Contre toutes les règles et contre sa volonté ! Tu devrais avoir honte !
- Mais combien de fois il faut vous le dire ! Ce pays de fous moi j’y connais rien !- Voyant, que Dazir restait choqué par sa remarque, il continua sur le même registre- Et si moi, je veux être un Gaïen, c’est vrai après tout, c’est encore moi qui choisis !
Depuis cet instant, Dazir ne lui parla plus, il regagna sa cuisine où il prépara à Quilys et à Favel des médaillons de carottes en sauce. Personne n’osait même se confronter ; chacun se tenait à la fois comme responsable et victime de tout ce qui se déroulait. Alors que Quilys lapait son écuelle, Dazir mit fin à cette ambiance et fit des excuses à Favel pour ses manières peut être un peu brutales.
- Ah, ouf ! On va enfin sortir de toutes ces gamineries ! C’était le faux-pas du siècle, les moustaches encore pleines de lait, Quilys cracha laissant voir une langue fourchue. - Gamineries ! Gamineries ! Notre rôle est de préserver les arbres morpheus, de veiller à la sûreté ! De garantir la sécurité de tous et monsieur avec toute sa GRANDE expérience trouve cela petit ! Désolé Dazir, mais il m’énerve… La scramp glissa le long du pied de la table pour ramper vers les escaliers. Vu la réaction de Quilys, Favel n’osa plus rajouter d’huile sur un feu déjà en pleine expansion. - Dazir ? questionna Favel.
Une porte venait d’être claquée avec une certaine brutalité. Pour une petite créature, elle dissimulait bien sa force, s’étonnait-il. Dazir cessa de remuer ses rondelles, puis se prêta aux paroles qu’allait former Favel.
- Les morpheus, ce sont les gardiens de votre immortalité, c’est grâce à une sorte d’atmosphère qu'ils dégagent que vous ne pouvez pas mourir ? - Tu as effectivement bien saisi « notre pays de fous »… Une gêne vint se placer sur les lèvres qui les plissant émit des excuses, que Dazir écouta à peine. - Tu peux penser ce que tu veux de notre pays, personne ne t’a demandé de l’aimer donc de le protéger, tu sais… Des Igaesiens pourront bien se sacrifier par milliers pour rétablir la situation sans quelques doxiens… rétorqua t-il d’un ton maussade et d’ores et déjà fataliste. - Parce que… - Il est temps que tu rejoignes ton monde, que tu réfléchisses à cet engagement que nous te proposons… déclara calmement Dazir. L’idée stupide de se diriger vers la porte effleura Favel, il rit de sa sottise en se disant que la sortie n’était pas par là-bas. Avant de partir de nouveau vers un monde banal, il tenta une question, qui démangeait beaucoup de personnes non par présomption mais, par curiosité, la réponse lui était chère. - Que devient votre monde quand nous le quittons ? - Que veux-tu qu'il devienne ? - Je ne sais pas… une fois quand je suis parti, le temps s’est arrêté.
Dazir fit des petits cercles avec ses mains, puis répondit d’un ton amusé :
- Et si le temps ne s’arrêtait que pour toi, que dirais-tu ? - Mais alors que deviennent les disparus ? - Il est trop tard pour que nous discutions de ce sujet, va te cou… te lever Favel, bonne journée, souhaita Dazir.
Son visage avait perdu de sa frigidité, il paraissait aussi accort qu’avant. La salle à manger, tout jusqu’aux gousses d’aulx qui pendaient sur les treilles des soupentes, disparut dans un souffle. Après avoir respiré bruyamment, Favel s’éveilla, tout juste 7h. Il pouvait même se rendre en cours, mais était-ce une coïncidence, qui avait poussé Dazir à lui conseiller de repartir ? Possédaient-ils la même horloge à cela près ? Existait-il un moyen de passer de l’un à l‘autre horaire ? Que n’aurait-il donné pour se rendormir et satisfaire sa curiosité ! Dazir comme sa scramp avaient eux-aussi besoin de se reposer, comme lui d’aller à la faculté. C’était devant sa glace en se brossant les dents qu’il songea à ses prochaines aventures. Allait-il accepter ce défi fou ? Qui plus est, Quilys allait-elle accepter de partir avec lui, après tout ce qui s’était passé ? Soudain, alors que tout paraissait clair en lui, il se sentit Igaesien.
Il enfila une salopette, car aujourd’hui il voulait marquer le coup. Etre différent ainsi lui paraissait moins pesant, cette fois-ci il remporterait peut-être une victoire qui sait ? « Après tout, même Dieu s’est trompé… ». La ceinture tomba à ses pieds dans un tintement discret, il la ramassa puis la mit à sa taille. A vrai dire, elle n’était pas vraiment nécessaire, mais elle décorait assez joliment la salopette. Il fit quelques montées de genoux devant le miroir de sa penderie. Qui pouvait s’endormir et sans se réveiller se découvrir un héros ? Peu de gens ! Il se hasarda à un regard sur son sac, ce même sac avec lequel il avait parcouru les couloirs du lycée. Même s’il évoquait de bons souvenirs… le passé a son prix mais le présent est unique. Il prit quelques réductions sur son bureau, « après les cours je ferai les magasins avec Fatime ».
Fatime était une ancienne connaissance du lycée, toujours d’excellentes idées pour changer de style, toujours motivée pour sortir. Par compte, Favel savait que aller quelque part avec elle, impliquait d’y consacrer au moins tout une après-midi. Au moins après les cours, il n’allait rester que deux heures, le strict minimum pour se choisir un nouveau sac et jeter celui-là qui faisait peine à voir. A la sortie de chez lui, il croisa un homme, qui se baladait dans les couloirs en polaire. Son manteau rembourré arrêta Favel dans son élan, n’osant demander quel temps obligeait son voisin à se vêtir de la sorte, il sortit de la résidence.
A l’entrée de la faculté, Arthur l’attendait, il lui annonça que les jours passaient et qu’ils n’avaient toujours rien à présenter. Sa bouche épaisse ne cessait les réprimandes, ce qui finit par révolter Favel :
- Si tu y tenais tant que ça à ton exposé, t’aurais pas traîné ! Tu veux bien t’écarter, je veux aller en cours !
Favel voulut passer par la droite, mais Arthur lui barra le passage.
- Tu ne peux pas aller en cours !
Cela n’arrangea pas l’habitude de Favel de tout prendre à cœur et comme l’humeur s’était évaporée, il déversait sur son camarade toute sa hargne. [... ][/spoiler:
Dernière édition par Sylphea le Mer 5 Déc - 0:38, édité 11 fois | |
| | | Lino Guide des voyageurs
Messages : 184 Date d'inscription : 17/09/2012 Age : 30 Localisation : Toulouse
| Sujet: Re: Igaesia ou le monde des rêves Sam 22 Sep - 14:05 | |
| J'adore le principe de l'histoire !! Je vote pour avoir la suite \O/ | |
| | | Sylphea Guide des voyageurs
Messages : 158 Date d'inscription : 12/09/2012 Age : 36 Localisation : Ouest de la France
| Sujet: Re: Igaesia ou le monde des rêves Sam 22 Sep - 21:03 | |
| Merci >w< ! Je posterai la suite alors ! =D As-tu des attaches pour un personnage en particulier, des choses que tu soupçonnes? Des choses qui mériteraient d'être plus expliquées ? Ou des choses qui ont retenu ton attention *.*? Non c'est juste que c'est la première fois que je le fais lire alors je suis trop contente !! | |
| | | Lino Guide des voyageurs
Messages : 184 Date d'inscription : 17/09/2012 Age : 30 Localisation : Toulouse
| Sujet: Re: Igaesia ou le monde des rêves Mar 2 Oct - 20:10 | |
| Je veux la suite \o/. Je comprends pas bien tout le bordel à la fin x), mais en même temps c'est normal :p si tu mets toute l'histoire dans le chap 1 c'est nul :p. Il y a des phrases que j'adore trop *o* "La pluie avait quelque chose de symbolique, tant que le ciel se vidait les gens étaient heureux comme si ces larmes furent les leurs et les purgeaient d’une certaine manière. " ça m'a donné une idée de dessin <3. | |
| | | Sylphea Guide des voyageurs
Messages : 158 Date d'inscription : 12/09/2012 Age : 36 Localisation : Ouest de la France
| Sujet: Re: Igaesia ou le monde des rêves Ven 5 Oct - 19:17 | |
| Si cela t'inspire un dessin tant mieux >o<. Oui, j'ai voulu montrer la vision du héros sur son monde par des petites descriptions passagères. Après je ne réussis pas toujours >.<. Actualisation : chapitre 2. | |
| | | Lino Guide des voyageurs
Messages : 184 Date d'inscription : 17/09/2012 Age : 30 Localisation : Toulouse
| Sujet: Re: Igaesia ou le monde des rêves Sam 20 Oct - 18:53 | |
| C'est vraiment sympa l'importance de la pluie dans ce roman. Vivement la suite ! | |
| | | Sylphea Guide des voyageurs
Messages : 158 Date d'inscription : 12/09/2012 Age : 36 Localisation : Ouest de la France
| Sujet: Re: Igaesia ou le monde des rêves Mer 21 Nov - 12:34 | |
| Désolée pour l'attente, voici la suite qui commence à placer les éléments de l'intrigue. Je préviens c'est peut-être un peu peu flou. Comme je le signale à nouveau, je n'ai pas terminé cette histoire et je la travaille actuellement. Toutes vos remarques sont les bienvenues. Pour tes remarques Lino, va falloir que je vois ça. Là dans deux chapitres, les héros vont quitter la fac et ouais le conflit grandit =p. Actualisation chapitre 3 (qui n'a pas de titre mais bon ça va se trouver XD) | |
| | | Sylphea Guide des voyageurs
Messages : 158 Date d'inscription : 12/09/2012 Age : 36 Localisation : Ouest de la France
| Sujet: Re: Igaesia ou le monde des rêves Mer 5 Déc - 0:02 | |
| Chapitre 3 suite :
Il lui prit l'envie de l’injurier, de le houspiller. Arthur ne bougea pas d’un pouce. L’exaspération monta tant que Favel lui écrasa le pied. Le pauvre diable se mit à sauter sur place, mais alors qu’il le croyait à présent inoffensif et s’apprêtait à passer, Arthur se jeta sur lui. Ils roulèrent sur les planches de bois qui menaient à l’escalier du bâtiment d’histoire. Les pointes qui maintenaient le pont piquaient le dos de deux lutteurs. - Mais ! Lâche-moi ! Qu’est ce qui te prend ? demanda Favel. Arthur répéta la même rengaine qui finissait par devenir lancinante. Plus Favel tentait de reprendre le contrôle et plus Arthur le forçait à rester contre lui et à rouler près du bord. Il n’était plus question d’aller en cours ou non, il était question de se débarrasser de cette sangsue plus costaude que lui ! Ils formaient à eux deux un tonneau, qui tantôt chavirait à droite ou à gauche, sans jamais arrêtait sa course. Soudain Favel sentit le vide se former derrière son dos. Ils n’étaient qu’à un cheveu de tomber dans le vide ! Ce qui devait advenir, advint… Ils basculèrent ensemble. Arthur voulut agripper le pont et réussit tandis que Favel n’était pas parvenu à retenir quoi que ce soit. Tout alla très vite… La chute laissait à Favel le loisir de profiter de la vue pendant 20 mètres. « Désolé Quilys, je n’ai pas été à la hauteur… Aurais-je déjà atteint la terre, je ne vois plus que du vert ? » Il regarda sur quoi il était atterri. Il se dressa, puis posant genou à terre, il vit qu’il était toujours dans une drôle de position. Une feuille géante, qu’une femme semblait contrôler, le maintenait au dessus du vide. Altéré, il jeta un regard derrière lui, Arthur avait disparu. Il n’allait pas tarder à faire la connaissance d’Aristine, une Igaesienne de la nature.
Chapitre 4 : Bienvenue chez toi !
La feuille toucha terre, se rétrécit jusqu’à devenir poussière puis revint dans la main de celle qui l’avait jetée. Cette dernière pressa Favel de se rendre au bâtiment le plus proche. Des murs de briques peintes en bleue, un toit aussi blanc que pouvait être l’ivoire, ce lieu ne pouvait être que le bâtiment de la psychologie. La porte poussée, l’inconnue délivra son nom, puis proposa à Favel d’aller boire un verre à la cafétaria. Ses mains remettaient lentement ses longs cheveux bruns derrière ses oreilles, elle était de nouveau calme. - C’est-à-dire que j’ai cours normalement… disait Favel d’un ton faussement motivé. Elle regarda les horaires indiqués sur les panneaux du couloir. - Moi aussi, j’ai cours… Psychologie appliquée si tu veux savoir… Comment tu t’appelles ? - Pourquoi me demandes-tu mon nom ? Elle arqua son dos pour se décrisper, mit ses mains derrière sa tête comme pour se créer un transat imaginaire. - Tu préfères que je t’appelle l’Igaesien naïf, peut-être… suggéra t-elle le dos tourné. - Tu te moques, mais tu ne me regardes même pas… - Après ce que tu m’as obligé à faire… j’ai des doutes… émit-elle songeuse. Des clochettes suspendues à la collerette de sa chemise bougeaient dans un son assez mélodieux. Elle était étrange, Favel aurait même tendance à faire plus confiance à Arthur qu’à cette fille sortie de nulle part. Elle parcourait les affichages, comme si elle les voyait pour la première fois. « Elle ne connaît pas la fac… » Elle sortit un téléphone de sa poche et contacta un ami qui vint à la seconde, lui aussi apparut d’on ne se savait où. « Voilà que le pays de fous me poursuit jusqu’ici… ». Un homme d’une trentaine d’années les cheveux déjà blanchis le regardait de ses yeux gris. « Aucune envie de rester ici… ». Il profita d’un instant où le regard de glace de l’homme ne le pétrifiait pas pour s’enfuir. Un appel heurta à peine son ouïe qui s’absentait déjà, trop apeurée par tous les événements, qui étaient survenus. Favel réalisa l’exploit qu’il réitérait dans sa résidence, il grimpa les escaliers, parcourut l’infrastructure de bois sans rencontrer de problèmes. Il croisa des étudiants qui parlaient de sujets divers ; tout cela n’avait rien à voir avec ce qu’il venait de vivre. Ce secours inespéré d’où venait-il et cette femme pourquoi l’avait-elle sauvé si cet acte lui créait tant de difficultés ? « Du calme ! Tout cela se résoudra ce soir, je demanderai à Dazir et… » - Pardon monsieur, s’il vous plaît. C’était bien la première fois que l’on appelait Favel monsieur, il laissa cette vapeur douceâtre se répandre dans l’air, puis adressa à l’homme un regard plus confiant, que celui qui transparaissait, il y avait quelques secondes. Cet homme voulait savoir où se situait le bâtiment des sociologues, il avait été transféré d’une autre école et était un peu perdu. - Je t’aurais bien accompagné, mais je suis déjà bien en retard… C’est un bâtiment presque collé à la psychologie et juxtaposé au mien, celui d’histoire. Tu le reconnaîtras facilement, ses murs sont d’un blanc immaculé et son toit est fait de verre… Crois-moi une fois je suis allé dans leur plus grand amphi, il est très agréable… On croit sentir le monde couler entre ses doigts… Et… et puis qu’est-ce que je fais moi ! Il faut que je te laisse ! - Merci monsieur, peut-être aurions nous à nouveau le plaisir de nous côtoyer. - Peut-être qui sait… Ah oui, j’oubliais, descends les escaliers, c’est juste en contrebas. Fais gaffe, avec la pluie je connais des mecs qui ont déjà glissé … répondit Favel en roulant ses yeux… une fois, oui rien qu’une fois. Favel n’avait encore rien vu, l’individu leva son bras puis plia son coude tout en le ramenant vers lui. Cela ressemblait vaguement à une courbette… « Même à la fin de sa vie, tout ne pourra être vécu… Jamais vu ça…». L’historien de deuxième année lui répondit par un salut des plus simples, puis ils se séparèrent. L’étudiant de sociologie descendit les marches, puis longea une petite cour où étaient regroupés différents bâtiments d’enseignements divers, bien différents de celui d’histoire. Chaque maison avait son blason, son apparence, son identité en quelque sorte. Chaque fin de semestre, tout le monde se réunissait pour des activités collectives organisées par le comité des étudiants. C’était un comité, dont Uthiel était un membre fervent, il n’aurait raté aucune réunion, quitte à sécher les cours. Parfois, il avait tenté de convaincre Favel d’adhérer à une association, mais ce dernier lui souriait, puis répondait : « pas trop mon genre, mais j’te soutiens. » Favel y repensait, tandis qu’il montait les dernières marches puis tournait à la droite. Pour la première fois, il allait arriver plus en retard qu’Uthiel. Que n’aurait-il donné pour que Tanith soit là pour l’épauler ? Avec elle, il ne sentait plus aucune angoisse l’envahir. Invincible, inviolable à tous ces regards curieux qui ne lui demanderaient rien. Beaucoup connaissaient la prétention amusante de Tanith à se mettre en valeur derrière un air sauvageon et humble. Elle n’était pas très populaire, mais en revanche elle n’en restait pas moins connue de tout le groupe d’histoire. Au dernier cours auquel Favel l’avait forcée d’assister, elle avait été sage jusqu’à la dernière minute. Lorsque l’aiguille avait frappé son autre congénère, le tigre en Tanith s’était réveillé et lui avait fait dire « Maintenant chéri, tu me dois un café. » D’un côté… moins de personne se souviendrait du petit retardataire de trente-cinq minutes voire de quarante-cinq… Encore heureux, c’était un cours de deux heures ! Il réussit à faire grincer sa chaise, confus il ramassa ses affaires et écouta dix minutes le cours. A la pause, il songea « mais si je vais voir Fatime, je dois aller dans le bâtiment de psychologie… Je vais en parler à Utiel, mais bon Fatime je ne l’avais pas vue depuis longtemps. Cela aurait pu être un bon motif. » Il prit appui sur sa paume tout en regardant ce qui se passait par la fenêtre. Une voix l’aborda, qu’il reconnut comme étant celle d’Uthiel. - Qu’est ce qui travaille le petit Fav’ ? Un petit massage de crâne, vieux ? Histoire de remettre tes idées en place, dit Uthiel en se balançant comme s’il imitait une danse. D’habitude voir son meilleur ami faire le fou lui redonnait le moral, mais aujourd’hui ce n’était pas pareil… Il s’était fait attaquer violemment par Arthur, il avait senti venir le vent froid de la faucheuse… Il aurait pu se retrouver dans la cour aplati comme une galette. S’il resurgissait inopinément l’air innocent, il aurait les foudres de Favel. « J’ai failli mourir et lui il s’est tiré… pour ne pas être sur place… c’est un accident sûrement, mais pourquoi voulait-il m’empêcher d’aller en cours ? » Et Aristine qui était-elle dans toute cette histoire ? Il ne savait plus à qui se fier. Cette histoire prenait de l’ampleur, trop d’ampleur même. Il allait en parler à Uthiel et à Tanith, mais d’abord à Uthiel vu qu’il était là autant le prendre à chaud. Arthur m’a attaqué tout à l’heure, murmurait Favel. Le cours ayant repris, il ne voulait pas perturber les ordres des Templiers, dont l’histoire était décrite dans toute son épique latitude. Toutes les guerres étaient tracées au peigne fin. Uthiel se pencha vers lui pour comprendre ses soucis, une fois qu’il sut pour l’accident, il ne répondit rien. - Que penses-tu de cette attitude bizarre ? - Je ne sais pas quoi te dire, si ce n’est que le gouvernement nous a envoyé un émissaire pour nous parler de ces hommes, tu sais, ceux que certains dessinent comme des sous-humains, répondit Uthiel de manière rapide. Et Arthur est revenu entre temps, il a été choisi pour guider ces personnes dans la faculté. - Ils vont donc faire une intervention dans chaque cours... - Hé attends, faut bien qu’ils s’occupent, rit Uthiel. Et si Arthur était l’un de ces détracteurs qui chassait les doxiens ? Il aurait pu être au courant, que j’étais un doxien avec l’incident de la bibliothèque… « Pourquoi avait-il à ce point voulu être avec moi ? » Il ne m’adressait presque jamais la parole d’ordinaire… étrange… Le professeur craqua une de ses craies contre le tableau et s’énerva contre un matériel déplorable. Tout y passa de la faculté jusqu’aux chasseurs de baleines. « En voilà un qui est bien engagé, ça fait plaisir. »
En milieu de cours, Favel regardait le tableau, mais ce n’était pas l’écriture un peu de travers qui avait attiré son attention. Il se demandait si tout se passait bien à Igaesia. Il aurait voulu s’excuser auprès de sa sramp, lui montrer un autre lui-même : quelqu’un de calme, de sage, de pondéré… Impossible. Si déjà, il pouvait éviter de la faire se hérisser devant une de ses bêtises, ce serait déjà une belle avancée. Il se mit à écrire son cours de façon synthétique, d’un style très résumé. Il avait presque écrit des évidences, tellement son condensé était restreint. La copie d’Uthiel était bien organisée, alors inutile de se prendre la tête, il lui ferait les yeux de cocker et lui demanderait son cours. Voyant l’attention que portait Favel à ses notes, Uthiel sourit : - Essaie quand même d’être attentif, Favel, c’est intéressant quand on écoute. La conscience aidant, il prêta dix minutes d’attention, puis observa par la fenêtre. Le pont était quand même élevé, depuis le bâtiment d’histoire on pouvait apercevoir un long escalier de grès débouchant sur une cour dont la majeure partie était recouverte de sable. Elle était parfois utilisée pour jouer à la pétanque, lors des soirées à thèmes Uthiel et d’autres s’étaient déguisés en grands pères et avaient organisé une grande partie de boules. Favel se souvenait que son ami avait eu des courbatures à toujours être replié avec son gros coussin dans le dos. Il trouvait qu’Uthiel avait d’ailleurs davantage l’air d’un bossu que d’un grand-père. C’était lors de leur première année à l’université. Ils s’étaient rencontrés au buffet, Uthiel en était responsable d’où son mal de dos accru. « Au moins, il était devenu vraiment son personnage » pensa Favel avec une certaine ironie. - Oh ! Mais, c’est déjà la fin du cours, comme le temps passe rapidement ! s’exclama le professeur. « A qui le dis-tu ?... Je regardais ma montre chaque seconde depuis un quart d’heure ». - Vous n’oublierez pas de lire le livre d’Hémane le superbe pour votre examen, il vous aidera à mieux comprendre le cours magistral que je dirige avec mon collègue. Ce professeur adorait les polycopiés, du coup chacun eut droit à un morceau de papier indiquant des lectures conseillées et au cas où, nous serions tous amnésiques il avait souligné l’ouvrage dans la liste proposée. Favel plia en deux la feuille puis la rangea dans la mention « divers » de son trieur. A la sortie, il attendit Uthiel qui avait rencontré une fille de son groupe. Ils discutaient des projets de leur association. Favel, lui, attendait, regardait en l’air, marchait un peu… un peu agacé, il invita Uthiel à se presser dans cette discussion très professionnelle. A certains moments, il avait cru entendre le mot « cinéma », « semaine prochaine ». « Sacré Uthiel, il a toujours eu le don d’harmoniser ses relations, il fallait bien que cela arrive… Mais, il ne m’en a pas parlé… J’aurais aimé comprendre avant tout le monde, au lieu de cela je me sens idiot ». Ils firent un bout de chemin ensemble en passant par la fourche des trois sapins, comme ils l’avaient dénommée. Ensuite, ils longèrent des vitrines quand la révélation se fit : -Zut, j’ai oublié d’acheter mon sac ! Sitôt dit, sitôt exaucé. Sur les conseils dubitatifs d’Uthiel il se choisit un sac avec un crocodile noir sur fond bleu marine. Négligeant les roulettes, il le prit classique. A chaque fois qu’il demandait l’avis de son ami, ce dernier disait une remarque qu’il contredisait quelque temps plus tard. Pour s’excuser, il disait qu’il pesait le pour et le contre. Du coup, Favel écoutait ses arguments pour acheter une « merveille », finalement il se contenta du premier produit qu’il avait vu. Il utilisa immédiatement son achat à la sortie de la boutique, tant qu’ils étaient à l’abri. Il sortit ses cahiers et les plaça dans son nouveau sac. Comme chaque journée, la pluie tombait abondamment. - Pourquoi tu n’attends pas d’être chez toi ? - Trop impatient de voir comment il fait, dit Favel. Observant la bourrasque qui se déchaînait, Uthiel devina que l’ancien sac de Favel n’était pas très étanche et que c’était la raison qui le poussait toujours à le cacher sous son manteau. - Alors, on y va ! Allez viens, je t’invite chez moi, suis-moi, enfin tu connais le chemin ! proposa Uthiel. - Désolé, ce soir je dois travailler mon exposé, sinon je crois qu’Arthur va vraiment me tuer et cette fois pour une raison, plaisanta Favel. - Ah, bon ben salut alors rentre vite, l’orage gronde déjà, conseilla Uthiel qui déjà lui serrait la main. Il tourna les talons et partit. Favel ne vit qu’une cape traverser le voile opaque que formaient les gouttes, lorsqu’il ne vit plus la silhouette, il sortit en prenant davantage son temps. Il réfléchissait tout en maintenant une marche assez rythmée, il n’avait cependant pas l’humeur de caracoler au risque de glisser. Même s’il avait le pas sûr, à Igaesia ce temps ne lui était pas familier, c’était comme s’il conservait un peu de son monde sur son front, comme un souvenir.
Il suspendit ses affaires à un porte manteau à l’entrée, se recoiffa devant sa glace. Le premier réflexe fut de changer ses vêtements, il opta pour des habits, qu’il n’avait pas coutume de mettre. Au moins, mal s’habiller le dissuaderait de sortir et lui éviterait de faire une machine ce soir. Les heures s’effilaient au fur à mesure que les copies s’enchaînaient. La motivation se lisait dans les yeux de Favel, qui n’avait qu’une ambition : retrouver Igaseia. Sa partie du travail achevée, il s’engagea pour un nouveau combat… dans les affres du sommeil il atteignit de nouveau Igaesia.
Il se réveilla dans le foin de l’écurie au pied d’un cheval. - Cela te plaît, c’est la dernière acquisition de Dazir ! Reeve, il se prénomme Reeve, il a tout juste trois ans. Favel visualisa les sabots qui ne cessaient de s’agiter et fut assez rapide pour s’éclipser. Alors que sur le dos de Reeve, Quilys riait encore de sa blague. Favel arriva haletant chez Dazir, ce dernier était encore dans ses carottes. Sans même se retourner, il devina que le doxien était revenu et qu’il avait reçu un accueil singulier. - Si elle te taquine, c’est bon signe ! encouragea t-il. - J’aurais pu me blesser ! répliqua Favel ébahi. - Je ne t’aurais pas laissé sans soin, garnement ! Favel n’osa pas le reprendre sur le nouveau surnom que Dazir lui décernait. Il avait peut-être un peu dépassé les bornes la dernière fois qu’il était venu. Il prit place aux côtés de Dazir et éplucha les carottes. Les mains de Dazir étaient recouvertes de sable d’où provenaient sans doute les légumes. Favel n’avait jamais vu son potager, mais il imaginait des plates-bandes de pousses de carottes attendant d’être cueillies. Dazir avait recouvert ses mains d’un morceau de tissu presque usagé, qui lui couvrait le poignet et le faisait ressembler à un agriculteur acharné. La besogne ne paraissait pas l’effrayer, il avait même réussi à briser la monotonie. - Tu prépares toujours des carottes ? - Non, seulement lorsqu’il y a des invités, répondit-il. « J’y crois pas, lui aussi se venge… »
Les légumes, une fois leurs enveloppes ôtées, furent jetés dans une marmite, où Dazir tailla des herbes qu’il mêla au reste de la décoction d’une main experte. Puis, il tapa dans le dos de Favel. - Allume le feu ! ordonna t-il. Le caractère paisible de la pièce fut changé et se garnissait à présent d’une pointe de défi qui déplaisait fort à Favel. - Tu sais, je ne contrôle pas bien ce pouvoir. Il serait sans doute plus judicieux de… - D’accord, tu ne me laisses pas le choix ! Avant que Favel ait pu réagir, Dazir amena son couteau de cuisine vers sa gorge. - Défends toi ! - Mais… - Défends-toi ! Plus vite que cela ! hurla Dazir pour le pousser. - Aaaaah, cria Favel. Comme une graine en manque d’amour, la flamme de sa main droite mit du temps à s’activer, mais une fois prête il la lança à Dazir. Même tout près de lui, Dazir sut l’éviter. Elle était beaucoup trop fine. - Comment veux-tu être digne de ton héritage avec si peu de volonté ! s’exclama Dazir. Le deuxième essai fut plus concluant, Favel envoya une boule de feu plus volumineuse, qui projeta Dazir contre la banquette du fond de la salle. Rapidement Dazir, encore sonné, étouffa l’incendie avant qu’il ne se propage. Il appliqua des serviettes froides sur les dernières flammes survivantes avec l’aide de Favel, puis il le regarda avec fierté. C’était un joli coup, Igaesien, disait-il simplement.
Cette phrase eut la vertu d’apaiser Favel de certains doutes, il se sentait en sécurité. Dazir retira sa veste rapidement ce qui mit en valeur un torse bien entretenu. Jamais, Favel n’aurait pu deviner que sous cette veste aussi carrée se cachait une musculature élancée et aussi bien charpentée. Avait-il ou non des pouvoirs que cela ne changerait rien. Il était taillé pour la lutte. Les travaux aux champs avaient dû le fortifier et lui apporter cette silhouette aussi imposante. Dazir remarqua ce petit être qui l’observait, ses yeux se firent taquins. Il profita de cette inhibition pour soulever une table et la mettre près d’une étagère. Le meuble contenait des fioles de toutes les couleurs, néanmoins elles étaient majoritairement rouges, d’un rouge sang si fort que Favel crut qu’elles détenaient un pouvoir impressionnant. Il se renseigna auprès de leur créateur, qui lui expliqua leur nature. Elles pouvaient soigner n’importe quelle blessure qu’elle soit superficielle ou au contraire sérieuse. - Les fioles plus virulentes sont protégées, tu ne crois quand même pas que je les mettrais comme ça, à la vue de tous ? se moqua Dazir. - Tu ne fais pas que soigner, alors ! se réjouit Favel. - Non, mais pour le moment tu n’en auras pas une goutte ! rétorqua Dazir en enfilant une chemise propre. - Mais alors, à qui sont-elles destinées ? se demanda Favel. Là-dessus Dazir se mit face à lui, plaça ses deux mains sur les épaules de Favel et en le fixant pour que ses paroles soient retenues, il lui répondit qu’il les donnerait à celui qui saurait le surprendre. Favel ne savait plus où se mettre, il se douta que ces mots allaient peser très lourds sur ces épaules. L’émotion le rongeait lorsqu’il s’aperçut d’un détail qui fit bien rire Dazir. Il s’était accroupi sur un tabouret pour se mettre à sa hauteur. Favel prit part à sa blague et plaisanta sur leurs différences de taille. C’était vrai qu’en les regardant, on aurait pris l’un pour un géant l’autre pour un nain. Ce fut le premier délire qu’ils partagèrent ensemble. La scramp revint de sa balade et les trouva assis à table en train de discuter. Elle pencha la tête sur le côté, visiblement surprise. Elle n’était cependant pas prête à prendre part à leur folle discussion qui débouchait sur l’intérêt de ne cuisiner qu’un seul plat. Dazir répondit : - Je sais au moins comment le faire, sans aucun échec ! - Mais des carottes, c’est simple ! fit Favel l’air alarmé. - C’est bien cela qui m’inquiète, à force d’être avec moi tu vas oublier la grande cuisine, dit-il en se mordant les lèvres. Sa moustache se détendit jusqu’à une nouvelle boutade de Favel qui déclencha un nouveau sourire chez Dazir. Favel lui raconta toutes ses aventures à Gaïa, il voulait lui tracer sa vie comme si Dazir avait été présent. Il n’avait pas vu deux lunes jaunes briller dans l’obscurité, Quilys écouta chacun de ses récits avec un intérêt grandissant. Lorsqu’il parla qu’il soupçonnait Arthur d’être un détracteur, un bruit d’ailes troubla le silence. La scramp s’était sentie brusquée et avait voulu, ici, se manifester : - Comment s’appelle-il ? - Arthur Descouaf, dit il, en troisième année avec moi. - Je n’ai jamais entendu parler de lui, méfie toi de lui ! Ces détracteurs sont fous ! explosa Quilys. J’ignore tout de votre monde, mais je sais ce que votre chef fait endurer aux nôtres. A plusieurs reprises, ils déferlent par vagues ! - Ils viennent ici ! s’étonna Favel. Dazir caressa la tête de Quilys pour qu’elle se calme de nouveau. - Ne t’enflamme pas si vite ma petite Qui, c’est bon de te revoir parmi nous cependant ! intervint Dazir. Mais, elle a raison. Ils arrivent fréquemment à passer la barrière de façon à avoir conscience de leurs gestes comme toi. - Et les autres Gaïens ? La scramp se redressa puis se rapprocha de Favel : - C’est plutôt simple. Que ressentais-tu avant d’avoir tes pouvoirs ? - Rien, je rêvais… Donc, les autres n’ont pas la même sensation bien sûr, mais quelle différence ? Dazir prit la parole pour lui expliquer la différence entre un rêve et un séjour, entre l’inconscience et la conscience. « Les Gaïens ne sont que des rêveurs, alors que ceux qui sont conscients sont des acteurs et peuvent donc refaçonner notre monde et…le bouleverser ». - Leurs cibles privilégiées sont les morpheus, sans eux les rêveurs deviendraient conscients et ne seraient plus que de simples visiteurs, des illusions. Toutes ces données nouvelles heurtaient de nouveau Favel. Il ne voyait pas le problème de pouvoir modifier un univers, après qu’est ce qui était éternel dans Gaïa ? Pas grand-chose… - Et alors ? se hasarda à dire Favel. Il plissa ses yeux, tant il craignait de déchaîner une nouvelle catastrophe. - Tout le monde deviendra mortel subitement, cela entraînera une vague de folie meurtrière. Mais cela ne s’arrêtera pas là… S’il n’y a plus de rêve, plus d’évasion, il n’y aura plus de repos pour votre monde, narra Dazir. La folie s’abattra sur votre monde, vos venues permettent aux morpheus de se nourrir, car oui, ils survivent grâce à l’énergie de chaque somme. Ensuite, ils soufflent un vent qui nous affecte tous les Igaesiens. - Ah, pigé ! D’où la nécessité de protéger ces arbres, réalisa Favel. - Dis donc, t’es un petit génie toi ! plaisanta Quilys. Puis ce fut l’heure pour lui de repartir pour Gaïa. Favel serra la main de Dazir, qui eut un malin plaisir à lui donner une poigne puissante. Alors qu’il se dirigeait vers Quilys, elle recula. - Tu m’en veux toujours ? Quoi ! Mais, qu’est ce que je t’ai fait ! s’énerva t-il. En signe de désappointement, elle souleva légèrement sa lèvre du côté gauche puis répliqua sèchement : - Non, je viens avec toi. Favel s’empourpra et secoua ses doigts nerveusement. Il ne pouvait se résoudre à emmener avec lui une créature comme celle-ci. Mieux valait pour elle qu’elle reste en sûreté ici. Le paysage néanmoins devint flou, la main saluant les voyageurs se figea ; c’était ainsi que Quilys partit vers un nouveau monde. Pendant toute la traversée, elle mordit le pantalon de Favel pour ne pas se perdre dans la spirale. Le pantalon ne se déchira pas, mais Favel sentit la pression s’intensifiait et ses pieds s’alourdirent. Rien à dire un passager en plus le rendait beaucoup plus lourd. Il tourna la tête et ce qu’il vit le remplit d’horreur. Autour d’eux, le décor de la chambre de Favel se reformait. Aux pieds de Favel dormait une femme endormie… Seuls ses cheveux blonds cachaient sa nuque et encore pas entièrement. Lentement, il se dégagea et s’exila à l’autre bout de la chambre. « L’horreur, une femme toute nue dans ma chambre… Bon sang, il aurait pu me le dire Dazir que le voyage aurait ce petit inconvénient… « . Des gémissements lui indiquèrent que sa scramp revenait à elle, il sentait que c’était Quilys sans pouvoir expliquer pourquoi. « Pitié qu’elle ne vienne pas me trouver… « Un meuble en bois les séparait. Constatant qu’il n’y avait plus personne à ses côtés, Quilys eut peur et voulut se lever pour trouver Favel. Elle voulut se déplacer comme à Igaesia et rampa ou plutôt roula du lit pour s’écraser au sol. Oubliant sa gêne, Favel vint à son secours. Lorsqu’il l’aida à se redresser, il retrouva dans son visage certains traits de la créature qu’elle était. Dans ses yeux sommeillaient deux disques jaunes entourés d’une lune verte, son visage maigre s’étirait imitant un nez oblong qui donnait à tout cet attrait un certain côté de sagesse. Pour ce qui était du bas, il ne se risqua pas à regarder. Il était subjugué par cette mutation, tandis que Quilys rassemblait ses esprits et ne parvenait pas à faire une phrase compréhensible. Dans l’agitation qui malmenait l’atmosphère, il lui trouva un jean, un slip, et un haut blanc. - Pour le soutien-gorge… Favel toussa pour masquer son trouble. Je crois qu’il ne te faudra pas grand-chose. Il mit les mains devant sa bouche, comprenant l’offense qu’il avait formulée à son encontre. Comme Quilys ne connaissait encore rien, elle ne répondit rien cependant, suspecte, elle demanda si ce détail était crucial. - C’est surtout que ce serait plus agréable pour toi… évoqua Favel. Ah oui, quand on sortira, je sortirai avant et tu fermeras la porte d’accord ? - Tout cela parce que tu veux pas qu’on me voit… - Essaie de comprendre un gars et une fille qui ont dormi ensemble, essaie d’expliquer Favel. - Aaah c’est bon garde tes images de pervers pour toi ! s’exclama Quilys. Les joues de Favel devinrent rouges car en cet instant il revoyait Quilys toute nue. C’était pire qu’un cauchemar. Sous la douche, quand elle se mit à chanter, sa voix paraissait être un long miaulement affreux. Sur le chemin, il avait dû la prévenir de tous les dangers de la ville pour ne pas qu’elle s’enflamme pour rien. Madame avait insisté pour se rendre à l’université. Une mule n’aurait pas été plus obstinée qu’elle. Elle sentait qu’il n’était pas en sécurité et elle voulait le protéger. - Tu sais, la vie d’un étudiant n’est pas toujours périlleuse… remarqua Favel. Quilys marchait en prenant soin de ne pas tomber du muret où elle progressait. Il arriva avant elle et la regarda s’avancer comme un père voit évoluer sa fille. Pour descendre, il lui tendit la main qu’elle prit en souriant. Le premier cours de ce vendredi portait sur l’Antiquité, sur le conflit qui opposa César à Pompée. Ce cours était pour Favel une source de plaisir inépuisable, il extrayait de ces leçons des images du passé qui le ravissait. Le professeur lut à haute voix des lois romaines sur l’empire qui s’était crée à partir de cette date. - La nécessité d’unifier l’empire fut pour César une priorité. Bien qu’il le déclame dans son livre agir sous le devoir de l’empire, nous ne devons jamais oublier qu’il était un homme avant tout, continuait Monsieur Ruilez. C’est d’ailleurs par un facteur purement humain qu’il connut la disgrâce. Quelqu’un saurait-il me dire l’événement célèbre associé à sa mort ? Oui, vous Favel dites nous. Comme le voulait l’usage dans l’université, il se leva de sa chaise pour s’adresser à tout le monde. Sa voix mettait en évidence une passion pour le conquérant qui se passait de tout commentaire. Cette période historique était la meilleure corde à son arc, souvent il engrangeait des points par sa participation. - Il s’agit bien sûr de l’assassinat de César par son fils Brutus, fils adoptif de l’empereur qui fomenta avec l’assistance du sénat un complot. La légende veut qu’il ait succombé après avoir reçu 100 coups de poignard. César était un homme brillant dans ses stratégies, par lesquelles il avait eu toute la confiance du peuple en particulier de son armée en tant que général, Favel reprit sa respiration puis conclut son exposé. Il n’aurait pu supporter ce que la légende lui a fait endurer, ce qui prouve que même après son départ il restait encore beaucoup de rêves en l’empereur. Visiblement convaincu, le professeur hocha la tête, remercia l’étudiant en précisant que ce fait avait eu lieu en 44 avant Jésus Christ. Il nuança sur le fait que César avait eu beaucoup de gens à le soutenir, même après sa mort. Trop de personnes tenaient à la République, ce que ce personnage mythique ne voulait en aucun cas maintenir conformément à ce qui avait été préétabli. Néanmoins, il accorda des points bonus à Favel pour sa tentative. Son crayon glissa sur la feuille d’émergement, sa main décrivit des caractères juste à côté du nom de Favel : deux plus pour cet essai. Monsieur Ruilez voulut reprendre, mais une voix l’interrompit : - Les rêves ne sont-ils pas, ne vous en déplaise monsieur, intimes et non collectifs… Personne encore dans son cours n’avait tenu de tels propos, il chercha l’origine de cette idée. Une jeune femme était assise à côté de Favel, elle avait le port de tête assez bas mais suffisamment élevé pour que sa parole soit entendue. - Les rêves sont individuels, ils apportent ainsi au collectif leurs couleurs et leurs forces. - Vous n’avez rien d’autre à ajouter, mademoiselle… mademoiselle….
Les jambes de Favel frétillaient tels des saumons voulant quitter leur mare, il donnait des cours de coude mais Quilys ne répondit rien au professeur. Il reprit comme si rien ne s’était passé. Faire partager son prénom n’était pas dans l’usage d’Igaesia et même si, à midi devant une assiette de spaghettis Favel tentait de la convaincre, elle ne se départit pas de ses principes. Son identité ne serait partagée qu’avec des gens de confiance. Elle faillit s’enfuir lorsque revenant de sa réunion Uthiel accompagné de Tanith voulurent se joindre à eux ; Favel fit les présentations. Les amis Gaïens s’échangèrent des propos, tandis que Quilys restait à part. - Fatime veut faire un tour en ville après les cours, cela vous branche ? dit Tanith. - Désolé, mais Favel a quelque chose de prévu ce soir, réagit Quilys sans s’encombrer de l’avis de Favel.
Encore sous le choc, Favel la regarda. « Qu’a-t-elle à présent ? Veut-elle prendre les commandes de ma vie ? ». Il ne voulut pas révéler à tout le monde la rudesse de ses propos et attesta qu’ils devaient parler de leur exposé. Comme Quilys était nouvelle, elle devait intégrer un groupe et pour qu’elle soit le plus à l’aise autant que ce soit avec des personnes qu’elle connaissait. La raison semblait être bien ficelée jusqu’au moment où, sortant de la cafétaria, il vit sur l’autre trottoir une personne familière. Ses doigts devinrent ardents, Favel serra son poing pour qu’aucun feu ne s’échappe de la colère qu’il s’apprêtait à déverser. La tension fut forte, et tout ce qu’il prononça avant de traverser la rue fut : « attends-moi à la résidence Quilys ! Bonne journée vous autres ! J’ai quelque chose à faire !. » Les bras imitant un pendule, il s’élança vers Arthur sur l’autre trottoir. Aucune voiture n’entrava son périple tant et si bien qu’il parvint très rapidement près d’un homme de corpulence moyenne qui regardait attentivement le plan des bus. Ce qu’il ne savait pas c’était que sa scramp avait suivi sur ses pas. D’un ton calme, il aborda Arthur comme si rien n’avait motivé cette rencontre. - Salut Arthur, tu cherches quoi comme ligne ? L’interpellé se retourna sans que rien sur son visage ne dénote son appréhension. Une femme plus petite que Favel affichait deux petits yeux brillants suspicieux, il ne l’avait jamais aperçue et se focalisait sur elle, alors qu’il répondait à Favel. - La ligne 7, je vais rendre visite à une amie qui habite en périphérie. Et toi qu’est-ce qui t’amène ? Pour l’exposé, je pensais t’envoyer un mail ce soir pour qu’on se voit ce week end . - Tu as travaillé de ton côté ? J’ai fait des recherches sur des points qui me semblaient importants mais c’est encore assez survolé… Arthur se décrispa et d’un coup, ce soulagement se vit comme un nez rouge en plein milieu de son visage. Il avait travaillé à la bibliothèque du centre-ville et avait sorti des livres, qu’il n’avait pas entièrement parcourus. En revanche, il avait labouré tout le périmètre d’internet et avait rassemblé les chaînes essentielles de leur présentation. D’après ce qu’il disait, il semblait avoir un ensemble plus solide et plus cohérent que Favel. Quelque part rassuré, Favel lui témoigna une franche reconnaissance, mais le sujet qui fâche se devait d’intervenir. Sur l’autre trottoir entre temps, Tanith et Uthiel avaient pris le métro en riant de cette nouvelle avec qui Favel s’était spontanément associé. - Pourquoi tu m’as poussé dans le vide ? Bon… je me suis dit que c’était peut-être un accident, mais tu semblais si étrange ce jour-là, évoqua Favel. Comme pour renforcer le discours de Favel, Quilys hochait la tête pour confirmer ces paroles. Elle attendait avec une certaine impatience la réponse, elle voudrait qu’il soit un détracteur pour pouvoir lui régler son sort. La vengeance serait ainsi expirée de la prison dans laquelle elle l‘avait mise voilà trop d’années. - J’étais inquiet, répondit Arthur, comme une parole apprise par cœur. Oui, j’étais inquiet pour notre exposé, je voulais qu’on le travaille. L’étonnement jaillit comme une braise dans le cœur de Favel, qui cette fois-ci explosa : - Alors pourquoi, tu n’as rien fait quand nous avons failli nous tuer sur le pont ! Tu as failli me tuer ! Si Aristine ne m’avait pas sauvé, j’aurais certainement… -… atterri contre le sol comme une crêpe, compléta Arthur. Les lèvres de Quilys ne s’animaient que pour se plisser devant le prodigieux effort, qu’elle devait fournir pour ne pas mettre les pieds dans le plat. Alors de temps en temps, elle laissait le soin à son regard d’observer les alentours, pouvant ainsi vérifier si cette conversation était suivie par d’autres. - Oui, exactement ! Alors qu’as-tu à répondre à ça, continua Favel sur la même corde toujours inexorablement tendue vers le coupable tout désigné. - J’étais parti chercher du secours, mais lorsque je suis arrivé, tu n’étais plus là, expliqua Arthur. - Et si je m’étais cassé la figure, je serais mort ! vociféra Favel hors de lui.
L’échange dura le temps qu’il fallut à Favel pour se reprendre de cette mésaventure, puis finalement il fut décidé qu’ils allaient travailler l’exposé toute la soirée. Leurs travaux individuels se complétèrent sans problème, ils purent sans peine répéter tous les trois, avant qu’Arthur quitte la chambre de Favel. Quilys avait rendu mal à l’aise Arthur, qui ne trouvait nul endroit pour se dérober à la vision de la scramp. Il avait essayé d’engager une discussion avec cette dernière, elle était demeurée aussi ferme que pouvait l’être une plaque d’acier et avait gardé cette vigilance dérangeante. Lorsqu’Arthur eut quitté la pièce, Favel se pencha à la fenêtre pour vérifier le moment où il traverserait la rue. La scramp se moqua de son attention exacerbée, mais il lui fit remarquer qu’elle n’avait pas été la dernière à éprouver cette sensation. Avant de se rendre à Igaesia, Favel n’oublia de parler avec quel manque de savoir-vivre, elle l’avait traité aujourd’hui. Quilys fit la moue, puis s’en enroula dans son sac de couchage. Elle avait fermé les yeux, ses jolis yeux d’or, mais Favel la regardait encore comme pour profiter de cette image. « Elle est assez mignonne sous cette forme, pourquoi faut-il qu’elle devienne cet espèce de monstre ? « Assis dans son lit, il aperçut les socquettes blanches qui pendaient sur une chaise. « Il faudrait que l’on profite d’aller au supermarché pour acheter des sous-vêtements demain ». Favel avait toujours vécu les relations filles garçons sans difficulté, mais là il devait apprendre les usages féminins à une fille. « Normalement, elles s’éduquent toutes seules, il n’y a pas besoin de leur apprendre à mettre un soutien-gorge, non ? C’est instinctif ou presque… non ? » Sur ces pensées, il céda le passage à l’Igaesia. Quilys était déjà arrivée, elle lui envoyait des regards malicieux : - J’ai senti que tu m’avais observée… - Je voulais m’assurer que tu étais bien à ton aise… Elle se lécha, puis répondit en riant : - Tu sais c’est pas la première fois que je dors par terre, pour moi cette couverture c’est du luxe ! -Ahhh, dit Favel confusément, tant mieux alors…
La maison en pierre était vide, ils le constatèrent assez vite… Quilys avait déjà remarqué que Dazir n’était pas dans sa cuisine. Ils décidèrent en l’attendant de s’entraîner à jeter des sorts coordonnés. La scramp confia à son maître, que les sorts s’apprenaient dans ce monde pour pouvoir s’exercer où que ce soit en Igaesia ou à Gaïa, c’était la même règle. Favel repensa qu’il n’avait pratiqué qu’un seul élément, il était curieux de connaître tous ses talents… Sa magie dans ce monde était décuplée, il s’étonna de ce prodige. - Tu t’es entraîné et avec l’aide du morpheus ta magie ne peut être qu’amplifiée. Lorsque tu es à mes côtés, ta magie est augmentée… L’attention de Favel se figea, il sentait qu’il allait en apprendre davantage sur sa condition. Quilys remarqua cette impatience, pour le narguer et pour ménager le suspense elle parla très lentement à moins que ce soit pour que Favel suive son raisonnement. Jamais, il ne sut la raison de ce débit et à vrai dire, cela ne l’aurait pas gêné. - C’est grâce à moi si ta magie a pu se réveiller, et c’est grâce à moi qu’elle peut à présent évoluer. Sans moi, niveau magie tu peux te débrouiller, mais tu ne pourras pas progresser. Sans toi, je ne peux pas progresser non plus, nous sommes avant tout un couple… enfin un duo. Elle détourna la tête puis ajouta : Aucun sous-entendu derrière ce que je viens de dire, ok ? Alors finalement on dirait que je t’énerve moins, charria Favel. - Ben, faut bien qu’on s’entende un minimum pour notre mission ? Tout cela n’est que professionnel… Ne te fais pas d’idées sur moi ! Surtout pas ! Accentua Quilys. - Les scramps sont destinés à servir non à recevoir, c’est bien cela professeur, remarqua une arrivante que personne n’avait remarqué. Dans une longue tenue beige légère, une femme élancée riait depuis le perron de la maison. Lorsqu’elle sauta de la petite estrade, ses souliers atterrirent dans un bruit assez prononcé. Elle s’avança vers eux, pour leur demander ce qu’ils faisaient là. Le radar de Quilys était en pleine activité, campée dans une position de défense, elle regardait cette femme qui n’était autre qu’Aristine. - Alors tu t’es remis de ta chute, tu nous as faussé compagnie avant que j’ai eu le temps de te parler… - Comment nous as-tu trouvés ? coupa Quilys. - C’est vrai que cette vallée est peu fréquentée… et seuls ceux qui y sont invités la trouve sans peine… ou alors ceux qui se perdent dans la lande, commença à se méfier Favel. La suspicion brûlait leurs sens d’autant que l’inconnue s’offrait le droit de ne pas répondre correctement à leurs interrogations. - Alors tu sais faire du feu, veux-tu que je t’aide à maîtriser un autre élément ? - Comment savez-vous que j’étais un doxien ? - Tu sais ce que j’aimerais… Un combat contre un doxien, c’est mon rêve depuis un bon moment ? Me ferais-tu cet honneur ? Son doigt sur la lèvre, elle le regardait songeuse. « Elle m’analyse comme Dazir la première fois… c’est étrange ». - Alors quelle est ta ou plutôt votre réponse, car vous allez sans doute combattre ensemble. J’avoue que j’ai eu le temps de maîtriser mon pouvoir, conseilla Aristine. - Bien sûr ! s’enquit Quilys. Ce combat présentait tous les traits d’une lutte reportée et qui devait se conclure. Il fallait qu’il y ait un dénouement, sinon cela en deviendrait ridicule… « C’est vrai, c’est notre premier combat… Elle a l’air si sûre d’elle, cela fait presque peur ». Favel chercha si un scramp l’accompagnait. - Pourquoi veux-tu te battre seule contre deux personnes ? demanda Favel. - La dernière fois… ta sramp a combattu seule, considère cela comme un certain équilibre, répliqua rapidement Aristine. Commençons !
Favel mit ses bras le long du corps tandis que son adversaire plaça son bras gauche contre son corps et le bras droit dans sa direction. Quilys se plaça devant Favel dans un claquement d’ailes.
Elle avait deviné sa nature, pendant son absence, il trouva ce détail assez comique. Quilys traçait dans la poussière des sillons nerveux pour montrer qu’elle était prête à affronter cette épreuve. Elle sifflait un langage incompréhensible que Favel devina être un chant d’encouragement. - Je vous fais confiance pour m’éblouir, nous combattrons jusqu’à la mort… - De… de… jusqu’à… Pourquoi ? Favel s’étouffa devant cette nouvelle consigne extrême. - Aie confiance Favel, Morpheus nous protégera ! C’est la coutume lorsque deux Igaesiens ne se connaissent pas de combattre jusqu’ à ce que la mort survienne. Les techniques de combat renseignent beaucoup sur la personne, c’est essentiel, expliqua de manière peu distincte Quilys. Chacune de ses paroles se faisait happer par une rage étonnement élevée chez un si petit animal. - Tous les coups sont permis bien sûr, ce n’est pas un duel officiel après tout… La voix de Quilys avait eu le pouvoir de renforcer l’assurance de Favel. Etait- ce un bien ou un mal, il n’en savait rien. Il serra un bracelet, le seul bijou qu’il portait et dont il ne pouvait jamais se séparer. Deux larges anneaux dorés décoraient son poignet gauche. Contrairement à ce qu’elle avait dit, Aristine n’attaquait pas… Favel essayait de saisir le sens de cette attente, les réflexes de Quilys l’emportèrent sur le reste. Elle déploya ses ailes blanches, son corps comme un fanion se retrouva propulsé. Elle raidit son corps, de sa gueule s’échappa une boule de feu de maigre consistance. Aristine fut prompte à réagir, elle envoya deux feuilles de palmier sur les flancs de Quilys. Voyant qu’Aristine cherchait à faire dévier Quilys, Favel pensa à toutes ses rancœurs, ses échecs. Il essaya de les ranimer pour faire naître en lui de la colère suffisamment puissante. Pendant ce temps, Aristine envoyait promener sa scramp à gauche à droite comme si elle jouait au badminton. Les trajectoires de Quilys à force d’être réitérées se faisaient moins précises, elle écumait tant cet exercice la fatiguait. Tu m’aides quand Favel ! Attends, ça arrive ! répondit le concerné.
Une sphère de feu tournoyait dans sa paume, il la contempla avant de la lancer vers Aristine. La femme sourit, elle lança une multitude de feuilles pour projeter la sramp contre la boule. Quilys se plia pour devenir minuscule, mais ne put éviter complètement le sortilège. Ses plumes se retrouvèrent carbonisées. Remarquant le dommage, elle prépara un atterrissage un minimum contrôlé. Contrainte de ramper, elle attendit le signal de Favel pour tenter une nouvelle percée. - A mon tour, répliqua Aristine. Elle créa une plate forme végétale sur laquelle elle sauta. Le tapis de feuilles s’éleva pour faire un assaut vers Favel. Il garda son calme, réactiva toute sa colère et lança une boule de feu vers l’embarcation d’Aristine. Elle fit une pirouette et se retrouva contre Favel. Il ne voyait plus qu’elle, et ne faisait plus attention à la double action que menait son assaillante. Les mains derrière le dos, elle ranima des feuilles pour qu’elles entourent et étouffent Quilys. La scramp, alors qu’elle accourait, fut arrêtée. Elle se tordait de douleur, persifflait, mordait, déchiquetait les feuilles de petite taille. Sa respiration supportait de moins en moins toutes les feuilles qui la comprimaient. Elle jugea bon de crier tant qu’elle était capable. Favel !!!! Derrière… Favel tourna la tête, Aristine en profita pour sortir de son étui son arme, un couteau recourbé à son extrémité. L’arme lui avait été confiée par son maître depuis sa naissance, elle portait ses initiales sur la lame. L’acier avait été formé par la main experte de sa mère, qui y avait fait graver un œil larmoyant. A rebours, Favel entendit un léger coulissement, il esquiva l’attaque et hurla : - Pattes de feu, Quilys accroche toi ! La scramp, dont le souffle se raréfiait, vit quatre pattes enflammées apparaître et incendiait les nervures de sa prison végétale. L’air lui arriva dans les poumons comme un coup d’enclume, elle hurla, puis courut vers Aristine, qui se retrouvait piégée entre deux personnes. Elle décida néanmoins de tenter une offensive contre Favel, qui bien que doté du pouvoir igaesien, restait désarmé face à elle. Elle tournoya sur elle-même, des feuilles accompagnèrent sa danse jusqu’à former un bouclier de vent et de feuilles. Favel ne comprenait pas comment contrecarrer cette attaque. - Essaie de percer Favel, ne reste pas planté ! s’exclama Quilys. Mais avant que la renarde serpentine ne parvienne vers eux, Aristine était déjà contre Favel. Elle l’avait plaqué au sol, puis elle se mit à rire et remit au perdant un baiser. Les yeux de Favel roulèrent, mais les feuilles le condamnaient à l’immobilité. - Sale…. Laisse-le ! hurla Quilys avant de se jeter sur elle. Les pattes de la scramp brulèrent le dos d’Aristine, qui surprise lâcha son emprise sur Favel. Quilys la bouscula pour donner un moment de répit à Favel. Elle roula au sol, Quilys s’acharna contre elle, la mordit, puis lui lança une boule de feu en plein cœur. Le visage d’Aristine perdit ses couleurs, devint sombre, puis se noircit à vue d’œil et lorsqu’il fut totalement sec, il se dissipa en poussière. Elle eut le temps d’articuler « Jolie prouesse, jamais je n’aurais pensé… Nous nous reverrons ! ». Elle disparut dans une rafale, dont la violence renvoyait à l’acharnement, dont chacun avait su faire preuve. - Pourquoi l’avoir tuée ? - C’est la coutume, ne t’inquiète pas, elle s’est réveillée dans votre monde, morpheus la réincarnera, répondit Quilys. Ses nouvelles pattes perdirent leur flamme rouge pour revêtir une pâleur bleutée, elles ne disparaissaient pas. Bien que Favel n’admette pas que l’on commette des meurtres gratuits, il ne fit aucune remarque. « D’un côté, elle n’est pas morte, c’est comme si je l’avais mise K.O. » - Comment as-tu su que tu pourrais me jeter un tel sort ? - Quoi tu veux dire pour tes pattes… J’ai pensé que tu devais en avoir marre de jouer la serpillère, se moqua Favel.
Quilys se jeta sur lui et fit mine de le dévorer, mais elle lui lécha le visage. Elle savait qu’il avait ardemment désiré quelque chose et que c’était ce vœu qui avait motivé cette mutation. Comment lui dire que dans ce monde, les rêves régissaient beaucoup de choses et qu’ils pouvaient intervenir dans de rares occasions. Cette rare occasion, il lui avait offerte. Pendant un instant toute cette émotion contenue se volatilisa, Quilys se roulait contre lui comme l’aurait fait un chaton. Elle sentait qu’il avait voulu la protéger même en maniant quelque chose qu’il ne connaissait pas. Fais attention la prochaine fois, la magie peut être traitresse. A ses côtés, elle s’apaisa alors qu’il lui massait la tête tendrement. Il se rendit compte de ce qu’il faisait, mais n’osa pas repousser Quilys, qui s’était déjà endormie tout contre son épaule. Soudain, les deux ne firent plus qu’un seul et même ensemble. Ils retournèrent tous les deux vers Gaïa. Une lumière très discrète frappa les yeux de Favel, qui sortit du lit en prenant soin de ne pas réveiller Quilys. Elle était toujours sur son matelas dans son sac de couchage, comme si rien ne s’était passé durant la nuit. Son pyjama dévoilait le haut de sa nuque qui se finissait par la pointe assez prononcée de son épaule. Tranquillement, Favel voulut remonter la couverture, pour qu’elle ait chaud. Elle gémit, mais apparemment ne se réveilla pas. Il se dirigea ensuite vers la cuisine pour préparer un bon petit-déjeuner, un de ceux digne d’un bon week-end en perspective. La bouteille de lait avait une drôle de tête, quand il la huma, il grimaça en laissant échapper un cri d’écœurement. « Même le parfum des toilettes sent meilleur… » Un homme traversa la cuisine, alors qu’il déversait le lait caillé dans l’évier. Le locataire fixa Favel intensivement, ce qui n’empêcha pas ce dernier de poursuivre son action et de partir sur un « bonne matinée ! ». Sur le chemin de sa chambre, il songea à cette odeur infecte qu’il avait laissée derrière lui. « Bof, lui quand il fait la fête… c’est fort agréable aussi ». Cette excuse pallia la mauvaise conscience que le jeune homme de toute manière n’était pas disposé à ressentir. Il voulut jouer un bon tour à Quilys, il abaissa la poignée avec son coude et brailla : - Petit déjeuner pour Madame ! La dame préposée était assise sur une chaise près du bureau et était en train de déguster un verre d’eau avec des yeux éclatants de forme. - Dis-donc, tu en as mis du temps ! Favel releva ses sourcils complètement désappointé. « J’y crois pas, je suis sûre qu’elle n’était pas endormie » - Je vais te tuer !!! - hahaha, ah oui ton lit, je l’ai fait. Ces choses-là, faut pas les laisser traîner, sinon ça encombre. La main de Quilys courut sur le bureau pour saisir un papier, elle l’observait en hochant la tête. Favel intrigué par cette attitude crut que ce document avait une quelconque valeur. Il ne posa aucune question, mais chercha à le récupérer. Une fois qu’il eut sa liste de course entre les mains, il poussa une petite colère dont Quilys s’amusa beaucoup. La brioche fondait dans la bouche, une gourmandise de palais délicat offerte à tous. Toute chaude, elle affuta l’appétit de la jeune femme qui en demanda davantage. A titre de galanterie, Favel l’envoya acheter une baguette fraîche, car « elle avait faim », disait-il. Enfin seul dans sa chambre, il s’allongea à l’intérieur de son lit. Depuis sa couche il regarda la vaisselle briller au soleil sur la table. Le plafond blanc lui paraissait être une toile qu’il aimerait peindre de doux reflets, qu’il pourrait contempler depuis cette position agréable. Il ne se rendit pas compte du temps qui s’était écoulé, lorsque Quilys reparut, il était toujours dans cette posture, allongé une jambe pliée, l’autre tendue. Il dévora la baguette avec la jeune fille, puis ils allèrent à la douche un par un. Favel avait encore très peur qu’on les voit ensemble, cependant il envisagea une journée dans sa tête, quand l’ondée lui parcourait le corps. La porte s’ouvrit, il reconnut la serviette de bain qu’il avait prêtée à Quilys. « Ah oui, il faudra passer à la lingerie pour elle, va falloir prendre des mesures… Encore un truc qui va me mettre super à l’aise ». - Oublie pas de fermer la porte, Quilys ! dit Favel. Il se maquillait de bulles rosées dégageant une odeur de lavande qu’il affectionnait particulièrement. La voix de Quilys manquait à l’appel, ce qui rendit Favel embarrassé. - Quilys, c’est toi ? demanda –il. - Non, c’est Kurt, répondit un homme. - Désolé, je ne savais pas… - Oh… ce n’est pas grave. Moi aussi, j’aime bien mon intimité. Bon, Cathie, tu te grouilles ! cria Kurt dans le couloir. - Oui, c’est sympa… sourit Favel. Contrairement à la crainte de Favel, ils furent très silencieux. Il ne prêta pas même attention à Quilys qui prit la cabine d’à côté. Il sortit, serviette serrée, puis traversa furtivement le couloir. Beaucoup disent que ceux qui se promenaient torse nu n’avaient aucun complexe, c’est une erreur. Favel se hâtait de rejoindre sa chambre avec ses quatre murs cloisonnés pour se changer. Rangé entre deux encyclopédies, exhibé entre deux étagères séjournaient son jean roulé en boule ainsi que à deux pas sur le lavabo sa chemise jaune. « Depuis qu’elle a emménagé, je ne suis plus un homme… » Cette pensée le fit sourire alors qu’il ramassa ses chaussettes de la chaise. Il avertit Tanith, comme Uthiel était absent qu’il ferait un tour en ville. Son ami devait passer un examen pour rentrer dans sa filière de médecine. Il pourrait s’atteler à ses études. Aucune photographie ne prenait place sur ses rayons, aucun souvenir… Surtout ne jamais se rappeler, ne jamais se rattacher à quelque chose qui ne nous appartient qu’en apparence, car il n’est déjà plus. Rien ne nous appartient hormis les présents de la terre et tels sont les seuls temps à conjuguer. C’était toujours le principe, qui modelait la vie de Favel. Certaines personnes pouvaient trouver cette chambre peu individuelle, cela l’arrangeait, il ne la voulait pas individuelle. Il fallait qu’elle soit à l’image de son monde, c’était à dire sans forme, sans fond mais non déniée de couleurs. - Me voilà ! S’époumona Quilys ravie. Favel se détacha de toutes ces pensées pour se pencher vers la nouvelle arrivante. Une serviette entourait un corps encore tiède, ses cheveux paraissaient être du foin fauché dont les fétus se battraient sur le sommet du crâne de la jeune fille. Favel sourit ce qui eut le mérite de faire froncer les sourcils de Quilys, le comique de la scène. Uthiel les attendait sur les marches de l’escaliers au rez de chaussée. Il rajouta que Tanith ne pouvait pas venir pour cause de révisions intensives. - Mais, à mon avis il s’agit plutôt de sieste compensatrice, dit Uthiel. Je ne vois pas Tanith travailler comme une malade. - Non, elle travaille ces livres pour décortiquer une vérité que nous, esprits faibles ne parvenons pas à saisir, prononça Favel d’une voix d’orateur. La vue d’une Tanith se balançant sur de la musique techno dans ses tee shirts flashy surgit à l’esprit de Favel, qui devinaient au regard d’Uthiel qu’il avait la même pensée. Ils passèrent une après-midi à flâner en ville jusqu’à ce que Quilys voit une lanière de cuir dans une vitrine. L’objet qu’elle convoitait était un bracelet pour nouer autour du cou avec un petit fermoir argenté. Quilys demanda à ce que Favel lui procure ce bijou à ses yeux. Vu toutes ses dépenses, il s’y opposa fermement en pensant que cela lui donnerait l’air d’un chien. Quilys baissa les yeux tristement. C’est vrai que dans son monde tout était plus simple ! Elle ne pouvait pas vraiment s’habiller chic etc… Alors que Favel allait céder, Uthiel avait déjà le collier en disant que pour un thérice, c’était donné. Uthiel lui mit au cou, un clic survint suivi d’un remerciement des plus sincères de Quilys. De la part d’Uthiel c’était inhabituel, il avait toujours été un peu radin. Favel savait qu’il avait vécu des choses qui faisait qu’il était assez près de ses sous. Il n’était pas quelqu’un d’économe, il était plus que cela. Il ne s’autorisait aucune sortie, rien qui coûterait et sortirait du cadre de ses études. Néanmoins les vêtements qu’il portait étaient souvent très recherchés.. Lui et Favel avaient toujours eu l’habitude de se coiffer puis de remettre en bataille leurs cheveux. Ne mettant jamais de crème solaire et ayant la peau sensible, la peau d’Uthiel était inégalement balzanné et contrastait beaucoup avec ses yeux bleu ciel. Aujourd’hui ses yeux s’éclairaient, il était heureux. Ce n’était qu’au magasin de lingerie féminine qu’Uthiel se confia : -- Elle m’a dit son prénom, ça me touche…. C’est un de ces principers et elle l’a brisée pour moi. - - Tu en penses quoi de son prénom ? sourit Favel. Par cette question, il prit un air faussement innocent. Il voulait connaître les intention de sa scramp. - Lyse, bon je dirais que j’en connaissais pas encore… affirma Uthiel en lorgnant une caissière plutôt séduisante. Contrairement à ses collègues, elle était vêtue d’un tailleur gris accompagné d’une mini-jupe. L’assemblage hétéroclite avait le mérite d’attirer l’œil de l’ami de Favel. | |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Igaesia ou le monde des rêves | |
| |
| | | | Igaesia ou le monde des rêves | |
|
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |
|